Concept de base Neuroscience et psychologie Publié le 22 décembre 2025

L’apprentissage social et le cerveau : Comment apprend-on des autres et sur eux ?

Résumé

Lorsqu’on évoque l’apprentissage, tu penses certainement à ce qu’on t’a appris à l’école. Sais-tu toutefois qu’au quotidien, tu utilises un tout autre type d’apprentissage ? Il s’agit de l’apprentissage social. Autrement dit, tu apprends des autres et sur eux en les côtoyant et en interagissant avec eux. Lorsque tu observes quelqu’un faire une erreur, cela t’apprend à ne pas la reproduire. Bien que l’apprentissage social soit courant, il est probable que tu n’aies pas beaucoup de connaissances à ce sujet. Ce type d’apprentissage est important car il nous permet d’apprendre plus efficacement et de savoir comment nous comporter avec les autres. Dans le présent article, nous allons examiner deux différents types d’apprentissage social, et nous démontrerons le rôle essentiel que joue le cerveau.

Qu’est-ce que l’apprentissage social et pourquoi est-il important ?

Lorsque tu penses à ce que tu as appris récemment, tu penses certainement d’abord à ce que tu as appris à l’école. Par exemple les mots d’anglais sur lesquels tu auras bientôt un test. Apprendre le vocabulaire d’une autre langue peut être utile: si jamais tu te rends en Angleterre pour les vacances, tu seras capable de demander ton chemin.

L’acquisition de savoirs (comme le vocabulaire anglais) est donc importante. En plus de l’apprentissage avec des livres, tu peux également apprendre des autres et à leur sujet. On appelle cela « l’apprentissage social » car ces connaissances reposent sur les gens qui nous entourent. Le plus souvent, nous sommes entourés des autres, les proches, les enseignants et les camarades de classe auprès de qui on apprend au quotidien sans même s’en rendre compte.

Parce que les humains sont de véritables êtres sociables, l’apprentissage social occupe une place essentielle dans notre développement et constitue une méthode d’apprentissage particulièrement efficace. Nous tirons des leçons des erreurs et des réussites des autres, ce qui nous épargne bien des efforts. Ce type d’apprentissage nous aide aussi à mieux connaître les autres et à mieux nous comporter avec eux. De telles compétences sociales te permettent de créer un meilleur lien social avec les autres, ce qui est bénéfique pour ton bien-être.

Cet article décrit deux types d’apprentissage social : comment nous apprenons des autres et comment nous apprenons à leur sujet. Afin de te montrer que tu as déjà recours à cet apprentissage au quotidien, nous utiliserons des exemples de situations que tu peux rencontrer à l’école. Par ailleurs, nous démontrerons comment l’apprentissage social fonctionne dans le cerveau, qui joue un rôle prépondérant dans l’apprentissage.

Comment apprend-on des autres ?

Un type d’apprentissage social essentiel est le fait d’apprendre des autres en observant leurs actions. En effet, les fautes commises et les succès enregistrés par les autres nous indiquent si nous devons agir de la même manière ou différemment [1].

Imagine que lors d’un contrôle en classe, tu ne connais pas suffisamment ta leçon pour obtenir une bonne note. Ton amie est assise à côté de toi et a déjà écrit ses réponses. Tu es tenté de jeter un œil à son travail quand soudain, l’un de tes camarades est surpris en train de tricher et est sanctionné. En observant cette situation, tu vas désormais penser que la triche est une action répréhensible qui conduit à la punition. Par conséquent, tu as appris d’une autre personne que tricher pendant une évaluation est une mauvaise idée.

Lorsque tu apprends en observant les actions des autres, tu apprends des choix qu’ils font (la triche) et des conséquences qui en découlent (la punition). Si ces conséquences sont positives, cela va t’encourager à adopter le même comportement. Toutefois, si elles sont négatives, tu préféreras adopter un autre comportement.

Les scientifiques ont remarqué que les humains sont doués pour identifier le meilleur choix à faire. Toutefois, nous apprenons encore mieux en observant les autres [1]. Lorsque nous observons les actions des autres, que le résultat soit bon ou mauvais, nous obtenons une information supplémentaire sur le meilleur choix à faire. Cette information supplémentaire nous sert à réviser nos choix. Nous profitons donc de l’exemple des autres pour faire de meilleurs choix nous-mêmes. Apprendre des erreurs et des réussites des autres est donc bien plus efficace que de trouver une solution par soi-même.

Comment apprend-on sur les autres ?

Nous venons d’expliquer que les gens apprennent plus facilement des autres en observant ce qu’ils font. Il existe un autre type d’apprentissage social qui consiste à apprendre sur les autres en interagissant avec eux. Lorsque nous apprenons sur les autres, nous apprenons ce qu’ils sont et comment ils se comportent. Ce type d’apprentissage nécessite qu’on prête attention à la conduite des autres afin de définir l’utilisation de cette information à l’avenir.

Imagine que tu te confies à l’une de tes camarades en lui disant que tu aimes bien le garçon à deux tables de la tienne et que tu découvres juste après que cette camarade n’est pas digne de confiance; elle révèle ton secret à toute la classe et cela te contrarie fortement. Dans ce cas, tu sais désormais qu’il est plus prudent de ne plus jamais te confier à cette personne.

Nous pouvons apprendre beaucoup de choses sur les autres, mais de nombreux scientifiques se penchent en particulier sur la confiance que l’on accorde aux gens. Savoir à qui se fier est très important parce que cela te permet de savoir si tu peux croire à ce que l’on te dit.

Les chercheurs ont constaté que pendant l’adolescence, nous apprenons à determiner plus facilement et plus rapidement à qui nous pouvons faire confiance [2]. Ainsi, en grandissant, nous arrivons à mieux connaître les autres et cela nous permet de définir notre comportement envers eux, ce qui est nécessaire pour construire de bonnes relations.

Comment l’apprentissage social se produit-il ?

Maintenant que nous avons présenté les deux principaux types d’apprentissage social, voyons comment ils se produisent. Lorsque nous apprenons une nouvelle information, nous l’ajoutons à celles que nous avons déjà. Le cerveau est impliqué dans ce processus. En effet, il fonctionne comme une calculatrice. Cela signifie que ton cerveau calcule constamment la différence entre ce à quoi tu t’attends et ce qu’il se passe en réalité. S’il se passe quelque chose d’inattendu, c’est la surprise générale ! Celle-ci est appelée « erreur de prédiction » – lorsque tu fais une erreur dans tes prévisions. Le cerveau note cette imperfection et s’assure qu’elle t’ait servi de leçon en mettant à jour tes connaissances antérieures avec une nouvelle information.

Concernant l’apprentissage social, pense à l’exemple évoqué plus haut lorsque tu as confié le nom de la personne sur qui tu as craqué (Figure 1). Tu t’attendais à ce que ta camarade garde le secret; malheureusement, ça n’a pas été le cas. L’effet a donc été surprenant puisqu’il a été contraire à tes attentes. Ton cerveau a relevé cette erreur de prédiction et utilise cette nouvelle information pour corriger ce que tu sais de ta camarade. Tu as donc appris quelque chose concernant ta camarade et tu ne pourras plus facilement te fier à elle.1

Illustration d'un processus d'apprentissage. Une jeune fille confie à une amie son attirance secrète pour un nouveau garçon. Résultat attendu : l'amie garde le secret. Résultat réel : le secret est divulgué. Apprentissage : ne pas confier de secrets à cette amie. Un organigramme illustre le processus d'erreur de prédiction conduisant à une mise à jour des connaissances et à l'apprentissage.
  • Figure 1 - Les erreurs de prédiction favorisent l’apprentissage.
  • La différence entre tes attentes (résultats escomptés) et ce qui se produit réellement (résultats réels) constituent une erreur de prédiction qui te permet d’actualiser tes connaissances, c’est-à-dire d’apprendre quelque chose de nouveau.

Quelles parties cérébrales sont impliquées ?

Afin de réaliser toutes les opérations nécessaires pour l’apprentissage social, plusieurs régions cérébrales sont sollicitées [4]. Les chercheurs ont découvert au moins deux régions cérébrales importantes pour l’apprentissage social : le striatum ventral et le cortex préfrontal médian (CPFm) (Figure 2). Les chercheurs ont fait ces découvertes à l’aide d’un scanner IRM utilisé pour examiner le cerveau humain. Dans l’Encadré 1, tu trouveras davantage d’informations sur le fonctionnement de l’IRM.

Diagramme du cerveau humain mettant en évidence deux zones : le striatum ventral en jaune, situé vers le centre, et le cortex préfrontal médial (mPFC) en orange, positionné à l'avant. Des légendes indiquent l'avant et l'arrière du cerveau.
  • Figure 2 - Les régions du cerveau impliquées dans l’apprentissage social.
  • Le striatum ventral (au centre du cerveau) calcule les erreurs de prédiction et les nouvelles informations reçues sont actualisées dans le cortex préfrontal médian (CPFm, situé à l’avant du cerveau). Ces deux régions sont donc importantes pour l’apprentissage social.

Encadré 1 - Examen du cerveau : comment savoir ce qui s’y passe ?

Pour comprendre comment l’apprentissage social se produit, beaucoup de chercheurs examinent le cerveau à l’aide d’un scanner d’imagerie par résonance magnétique (IRM) (Figure 3). Ce scanner est un grand aimant qui permet de filmer le cerveau à travers le crâne. Par exemple, les scientifiques peuvent utiliser l’IRM pour filmer le cerveau d’un individu pendant que celui-ci joue à un jeu vidéo qui implique l’apprentissage sur et à propos des autres. C’est ainsi que les scientifiques peuvent déterminer quelles régions cérébrales sont impliquées dans l’apprentissage social. Pour obtenir de plus amples informations sur le fonctionnement des scanners IRM et sur comment ils sont utilisés pour examiner le cerveau, voir [5].

Une illustration d'une salle d'examen IRM. Un participant est allongé dans un appareil d'IRM tandis qu'un technicien se tient à proximité. Deux chercheurs sont assis derrière une cloison en verre, surveillant des écrans d'ordinateur. Des étiquettes indiquent le participant, l'appareil d'IRM et les chercheurs.
  • Figure 3 - Les chercheurs utilisent l’IRM (MRI scanner) pour analyser le cerveau humain.
  • Pour cela, les chercheurs (researchers) font coucher le participant sur un lit qui entre dans l’IRM. Deux autres chercheurs sont assis derrière un écran d’ordinateur qui leur présente les images cérébrales de la personne examinée une fois le scanner IRM lancé.

Le striatum ventral est une région située au centre du cerveau que tu utilises quand tu prends des décisions, quand tu ressens du bonheur et quand tu reçois une récompense. Il est aussi important dans le calcul des erreurs de prédiction [4]. C’est donc une région cérébrale essentielle pour toute sorte d’apprentissage, dont l’apprentissage social.

Le CPFm désigne une partie située à l’avant du cerveau (derrière le front) qui s’avère être particulièrement importante pour réfléchir aux idées des autres afin de prendre des décisions qui les impliquent. Il est aussi associé à l’apprentissage : une fois que les erreurs de prédiction sont évaluées par le striatum ventral, le CPFm modifie les attentes que tu avais avec les nouvelles informations engendrées [4]. Il s’agit donc d’une région cérébrale essentielle quant à l’apprentissage social.

Le striatum ventral et le CPFm sont tous deux actifs dans l’apprentissage social, mais ils sont également impliqués dans d’autres comportements. Par ailleurs, le striatum ventral et le CPFm ne sont pas les seules régions du cerveau utilisées pour l’apprentissage social, d’autres régions interviennent dans ce processus. Toutes ces régions cérébrales travaillent ensemble et communiquent entre elles pendant que tu apprends des situations sociales complexes.

Récapitulatif : ce qu’il faut retenir de l’apprentissage social

Dans cet article, nous avons exploré les deux types d’apprentissage social et leur importance. Premièrement, le fait d’apprendre des actions, des erreurs et des réussites des autres est plus efficace que de se reposer sur nos propres idées. Ensuite, la socialisation nous permet de savoir à qui faire confiance et de construire de bonnes relations. Lorsque ce qui arrive ne reflète pas ce que tu as prédit, les erreurs de prédiction sont calculées dans le cerveau et entraînent un apprentissage. Les erreurs de prédiction sont évaluées dans le striatum ventral, que le CPFm utilise pour mettre à jour les informations déjà stockées dans le cerveau.

Maintenant que tu en sais plus sur l’apprentissage social, tu peux penser à tes propres exemples, aux différentes occasions au cours desquelles tu as appris des autres ou sur eux. Tu peux voir dans quelle mesure il t’a aidé à apprendre efficacement ou à adopter le comportement le plus adapté à l’égard des autres. La prochaine fois que tu observes des gens ou que tu rencontres de nouvelles personnes, pense à ces formidables opérations qui se passent dans ton cerveau.

Glossaire

L’apprentissage Social (Social Learning): C’est le fait d’acquérir de nouvelles informations grâce à d’autres personnes dans un contexte social précis ; par exemple apprendre des autres et sur eux.

Erreur De Prédiction: Il s’agit de la « surprise » produite en cas de différence entre ce à quoi tu t’attends et ce qu’il se passe en réalité.

Striatum Ventral: Il s’agit d’une des régions cérébrales qui, du fait qu’elle calcule les erreurs de prédiction, est impliquée dans l’apprentissage (social).

Cortex Préfrontal Médian (CPFm): Il s’agit d’une des régions cérébrales qui, du fait qu’elle actualise les fausses attentes dans le cerveau avec les nouvelles informations obtenues après une erreur de prédiction, est impliquée dans l’apprentissage (social).

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent que les travaux de recherche ont été menés en l’absence de toute relation commerciale ou financière pouvant être interprétée comme un potentiel conflit d’intérêts.

Remerciements

Nous remercions tous ceux qui ont contribué à la traduction des articles de cette Collection afin de les rendre accessibles et compréhensibles aux enfants des pays non anglophones et la Fondation Jacobs pour avoir octroyé les fonds nécessaires pour cette traduction. Nous remercions aussi Anna van Duijvenvoorde et Marieke Bos pour les commentaires qu’elles ont formulés sur la première version de cet article. BW a été soutenue par la subvention 464-15-176 de l’Open Research Area (ORA), financée par l’Organisation des Pays-Bas pour la recherche scientifique (NWO), décernée au Dr Anna C. K. van Duijvenvoorde. IK a été soutenue par la Subvention 014.041.030 de l’Organisation des Pays-Bas pour la recherche scientifique (NWO) décernée au Prof Berna Güroǧlu. IG a été soutenue par l’Ammodo Science Award 2017 pour les Sciences sociales, attribué à la Prof. Eveline Crone.

Déclaration d’utilisation des outils d’IA

Tout texte alternatif fourni avec les figures de cet article a été généré par Frontiers grâce à l’intelligence artificielle. Des efforts raisonnables ont été déployés pour garantir son exactitude, notamment par une relecture par les auteurs lorsque cela était possible. Si vous constatez des problémes, veuillez nous contacter.

Notes de bas de page

1. Si tu veux en savoir plus sur les calculs que fait ton cerveau quand tu apprends de nouvelles choses, lis l’article [3] !


Références

[1] Bandura, A. 1977. Social Learning Theory. New York, NY: General Learning Press.

[2] Van den Bos, W., van Dijk, E., and Crone, E. A. 2012. Learning whom to trust in repeated social interactions: a developmental perspective. Group Process. Intergroup Relat. 15:243–56. doi: 10.1177/1368430211418698

[3] Nussenbaum, K., and Cohen, A. 2018. Equation invasion! How math can explain how the brain learns. Front. Young Minds 6:65. doi: 10.3389/frym.2018.00065

[4] Joiner, J., Piva, M., Turrin, C., and Chang, S. W. 2017. Social learning through prediction error in the brain. NPJ Sci. Learn. 2:8. doi: 10.1038/s41539-017-0009-2

[5] Hoyos, P. M., Kim, N. Y., and Kastner, S. 2019. How is magnetic resonance imaging used to learn about the brain? Front. Young Minds 7:86. doi: 10.3389/frym.2019.00086