Concept de base Neuroscience et psychologie Publié le 11 novembre 2025

L’importance de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) dans l’étude du cerveau pendant la lecture

Résumé

Dans la série Harry Potter, le Sortilège de légilimancie est utilisé pour entrer dans l’esprit des gens et accéder à leurs pensées. Mais comme nous le savons, la magie va de pair avec une grande responsabilité et ne doit être utilisée qu’avec prudence. Il en va de même de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), un outil puissant permettant d’obtenir des images détaillées des différentes parties de l’organisme, dont le cerveau, car elle aussi doit être utilisée et interprétée avec précaution. Certains moldus utilisent l’IRM pour étudier les secrets du cerveau humain. Certes, elle ne peut pas être utilisée pour lire les pensées des gens, mais elle peut nous dire à quoi ressemble un cerveau, comment il fonctionne, comment il grandit et comment il apprend. Par exemple, l’IRM peut nous aider à comprendre comment le cerveau apprend à lire, et ce qui différencie les enfants qui ont du mal avec l’apprentissage de la lecture des autres enfants.

Toi, tu aimes lire ? Et as-tu lu les 7 tomes de Harry Potter ? La lecture est une compétence qui s’acquiert en suivant les instructions d’enseignants ou d’un parent et qui exige beaucoup de pratique, à la maison comme à l’école. Plusieurs choses peuvent nous aider à devenir bons en lecture. En grandissant, nous faisons de nombreuses expériences, et notre corps, nos pensées, nos sentiments, ainsi que l’environnement qui nous entoure, sont en constante évolution. Au début de notre vie, nous apprenons des choses relativement faciles comme comprendre le sens de certains sons, reconnaître les visages ou marcher. Mais en fait, l’apprentissage commence avant même la naissance ! À mesure que nous grandissons, nous maîtrisons des tâches plus complexes comme prononcer des mots puis des phrases, lire ou interagir avec les autres. L’acquisition de nouvelles compétences va de pair avec le développement du cerveau. Mais beaucoup d’éléments peuvent influer sur le développement, parmi lesquels des modifications de l’environnement, les expériences d’apprentissage que l’on fait, et même l’ADN, qui est l’information génétique que les parents transmettent à leurs enfants.

Tout ceci vaut bien sûr aussi pour la lecture, compétence qu’il faut pratiquer longtemps avant de la maîtriser – et qui émerge en fait bien avant qu’on ouvre son premier livre ou qu’on aille à l’école. Avant même notre naissance, nous percevons des sons et des éléments fondamentaux du langage. Ces expériences vécues modèlent les zones cérébrales qui nous seront utiles plus tard pour l’apprentissage de la lecture. En 1983, la professeure Jeanne Chall [1] affirmait que la lecture s’apprenait en plusieurs étapes (Figure 1). Aujourd’hui, nous savons que de nombreux facteurs peuvent influer sur ces étapes, et que l’apprentissage de la lecture peut varier fortement d’un enfant à l’autre et d’une région du globe à l’autre. Ces différences sont dues au grand nombre de paramètres pouvant agir sur cet apprentissage, notamment l’endroit où l’on grandit, la langue maternelle et son vocabulaire, la capacité à jouer avec les sons de la langue (par exemple, dire « banane » sans prononcer le son /b/), la faculté de comprendre les histoires racontées [2], etc.

Illustration représentant les étapes de l’apprentissage de la lecture, de la naissance à 18 ans et plus. Elle inclut les étapes suivantes : Pré-lecture, Décodage, Fluidité émergente, Lire pour apprendre, Perspectives multiples et Lecture experte. En dessous des étapes, des images montrent un enfant à chaque niveau : un bébé, des jeunes enfants avec des livres, un jeune enfant lisant un texte simple, un enfant lisant un texte suivi, un étudiant écrivant et un jeune adulte lisant de manière critique. Chaque image correspond à une étape, soulignant des activités telles que le traitement des sons, la reconnaissance des lettres, la lecture de textes, l’acquisition de connaissances et l’analyse critique.
  • Figure 1 - La lecture s’apprend très progressivement.
  • Il faut traverser plusieurs étapes avant d’arriver à lire couramment. L’apprentissage de la lecture commence dès la petite enfance et se poursuit pendant les années de scolarité jusqu’au début de l’âge adulte (illustrations : N. M. Raschle ; la partie supérieure du graphique a été adaptée de Chall [1]).

Comment le cerveau apprend à lire

Les techniques d’imagerie cérébrale telles que l’IRM permettent d’examiner le cerveau en train d’apprendre. L’appareil est un peu comme un gros appareil photo capable de prendre des images à l’intérieur de différentes parties du corps – le cerveau par exemple. L’IRM fonctionne en mesurant des signaux venant des molécules d’eau que contient l’organisme. Chaque partie de notre corps étant un peu différente des autres, son signal IRM lui est spécifique. L’informatique permet aux scientifiques de créer des images détaillées à partir de ces signaux (si tu souhaites en savoir plus sur le fonctionnement de l’IRM, tu peux lire « The physics of MRI and how we use it to reveal the mysteries of the mind » écrit pour les enfants par Kathryn Broadhouse, mais non traduit en français [3]). Grâce à l’IRM, on peut donc analyser la manière dont le cerveau fonctionne pendant qu’on est en train de faire ou de ressentir quelque chose (fonction cérébrale) et la manière dont il est construit (sa structure physique).

Des connexions entre les différentes zones du cerveau se créent à mesure que ce dernier grandit et apprend. Au fil du temps, ces connexions créent des réseaux qui travaillent ensemble. Agissant comme un groupe de musique bien rodé, les réseaux cérébraux nous aident à acquérir des compétences telles que la lecture. Pendant que nous apprenons, les cellules du cerveau (les neurones) se connectent les unes aux autres en étendant leurs minuscules bras (appelés axones) et parfois même en en faisant pousser de nouveaux. Avec le temps, un grand nombre d’axones se trouvent interconnectés et forment de longues « autoroutes » cérébrales qu’on appelle la substance blanche. Ces « autoroutes » relient entre elles les différentes régions du cerveau et transmettent des informations. La technique de l’IRM a permis aux scientifiques de comprendre que si nous sommes à même de lire, c’est parce que différentes parties du cerveau s’activent et communiquent entre elles lorsque nous apprenons. Ces zones cérébrales ont de drôles de noms à consonance proche du latin : la zone occipito-temporale, qui est la partie du cerveau où nous traitons les lettres et les mots, le cortex temporo-pariétal, qui nous permet de jouer avec les sons de notre langue (par exemple en devinant que « banane » sans le son /b/ donne « anane »), et le gyrus frontal inférieur, qui est en quelque sorte le « capitaine » qui nous dirige. C’est le fait que ces différentes zones communiquent régulièrement qui consolide la substance blanche – les « autoroutes » de l’information cérébrale.

Une de ces « autoroutes » est particulièrement importante pour la lecture : il s’agit d’un ensemble d’axones appelé faisceau arqué, parce qu’il a la forme d’un arc. Au sein du réseau des régions cérébrales utiles à la lecture, des voies comme le faisceau arqué facilitent le transport des informations d’une région cérébrale à une autre. Chez les enfants qui ont du mal à lire, le réseau cérébral dédié à la lecture est parfois construit un peu différemment, ou bien c’est l’information qui emprunte d’autres voies. Ainsi, dans certains cerveaux, les routes assurant le transport des informations entre les régions impliquées dans la lecture peuvent être plus étroites que la moyenne et être à une voie au lieu de deux. Elles peuvent également être moins faciles à parcourir, un peu comme une route qui aurait un revêtement irrégulier ou compterait de nombreux feux de circulation. De telles particularités compliquent la communication entre les régions cérébrales, rendant l’apprentissage de la lecture difficile pour certains enfants (Figure 2).

Illustration de trois schémas cérébraux. Le schéma supérieur met en évidence les régions impliquées dans la lecture : gyrus frontal inférieur, pariéto-temporal, faisceau arqué et occipito-temporal. En dessous, deux illustrations cérébrales représentent le traitement de l’information : celle de gauche montre une transmission fluide symbolisée par un cycliste naviguant à travers des structures urbaines, tandis que celle de droite illustre les difficultés avec des obstacles tels que des papiers tombés bloquant le passage du cycliste.
  • Figure 2 - Que se passe-t-il dans le cerveau quand on lit (reading brain) ?
  • En haut, tu peux voir les noms et les fonctions des régions cérébrales qui constituent ensemble le réseau de la lecture (inferior frontal gyrus, parieto-temporal, arcuate fasciculus, occipito-temporal). Quand on lit, elles s’activent et communiquent entre elles. La transmission des informations au sein de ce réseau peut bien se passer (dessin en bas à gauche), mais elle peut aussi s’avérer plus problématique (dessin en bas à droite). (Illustrations : N. M. Raschle).

La dyslexie développementale et le paradoxe des dyslexiques

Le développement du cerveau humain est complexe, et il n’est donc pas surprenant qu’il ne se produise pas exactement de la même manière chez tout le monde. Certaines particularités développementales peuvent avoir des conséquences qui seront découvertes plus tard dans la vie de la personne. Sur vingt élèves, il y en a en moyenne un ou deux pour qui apprendre à lire s’avère très difficile. Beaucoup de chercheurs aimeraient être capables de prédire chez l’enfant s’il aura ou non des difficultés à lire, et de le prédire aussi tôt que possible, car plus l’enfant est jeune, plus il est facile de l’aider. En effet, un cerveau jeune est particulièrement flexible pour apprendre certaines choses comme les langues : c’est pourquoi les enfants apprennent de nouvelles langues plus facilement que les adultes, mais aussi pourquoi il est plus facile de résoudre les problèmes lorsqu’ils surgissent que plus tard. Sans compter que les enfants ne recevant pas de soutien pour résoudre leurs difficultés peuvent devenir frustrés, tristes, se sentir intimidés, voire renoncer à toute volonté d’apprendre. Il y a aussi des parents qui s’impatientent et croient que leurs enfants ne fournissent pas suffisamment d’efforts. C’est pour toutes ces raisons importantes que les spécialistes voudraient pouvoir identifier ces enfants le plus tôt possible.

On diagnostique parfois une dyslexie développementale à certains enfants qui ont des difficultés à lire. La dyslexie développementale est un trouble de la lecture, ce qui n’a rien à voir avec le manque de travail, le manque d’effort ou la paresse. Généralement, ce diagnostic est posé après deux ou trois ans d’école primaire, quand l’enfant a déjà subi de multiples échecs de lecture. Or, à ce stade, l’élève va devoir rattraper un important retard pour arriver à s’en sortir, ce qui constitue un véritable défi. Comme nous l’avons déjà dit, la recherche a montré que le meilleur moment pour aider un enfant à apprendre à lire était la maternelle ou le CP, car à cet âge, son cerveau est plus malléable. On appelle « paradoxe des dyslexiques » le fait que le moment où l’on identifie les difficultés de lecture chez les élèves ne correspond pas au meilleur moment pour les aider (Figure 3).

Chronologie illustrant les périodes d’intervention éducative contre la dyslexie, de la maternelle à la quatrième année. La section rose met en évidence la “Période d’Intervention la plus efficace” allant de la maternelle à la première année. La section verte indique la “Période habituelle d’identification” de la deuxième à la quatrième année.
  • Figure 3 - Le paradoxe des dyslexiques.
  • Chez la plupart des enfants, les problèmes de lecture ne sont découverts qu’après la deuxième ou la troisième année de primaire (zone verte), alors que le meilleur moment pour les aider se situe avant (zone rose).

Des scientifiques ont montré que des indices précoces de difficultés de lecture pouvaient être détectés grâce à des tests oraux, écrits ou informatisés. Nous étions curieuses de savoir si l’IRM pouvait aussi servir à déceler des différences précoces dans le cerveau des enfants voués à présenter plus tard des difficultés de lecture, et nous avons constaté que les enfants en question semblent avoir un réseau de lecture différent de la norme [46]. Mais ces problèmes peuvent être résolus grâce à un soutien et à un enseignement approprié.

Aider les autres, c’est magique !

Contrairement aux sorcières et aux sorciers dans Harry Potter, les scientifiques ne sont pas en mesure de lire dans les pensées des gens – ni d’ailleurs d’utiliser d’autres formes de magie. En revanche, nous disposons de diverses méthodes et techniques, dont l’IRM, pour étudier le cerveau en apprentissage. L’IRM, qui permet aux scientifiques d’examiner les parties du cerveau servant pour la lecture, montre aussi ce qui se passe dans le cerveau des enfants présentant des difficultés de lecture. Chaque étude nous renseigne davantage sur la manière dont on apprend et sur les raisons pour lesquelles certaines personnes ont plus de difficultés à apprendre que d’autres. Un jour, ces informations nous permettront donc d’aider chaque enfant à réussir, et ça… c’est tout simplement magique !

Glossaire

IRM: IRM signifie « imagerie par résonance magnétique ». L’IRM permet d’obtenir des images de toutes les parties du corps humain. Elle fonctionne grâce à des aimants puissants et à des ondes radioélectriques.

Neurone: Cellule nerveuse du cerveau ou de la moelle épinière.

Axone: Partie des cellules nerveuses qui peut se connecter aux autres cellules et, de ce fait, transporter des informations d’une cellule à une autre.

Substance Blanche: Ensemble d’axones qui connectent différentes régions cérébrales entre elles.

Dyslexie: C’est un trouble d’apprentissage qui entraîne des difficultés de lecture dues à différents problèmes comme identifier les sons de la langue parlée et savoir comment ils se rapportent aux lettres et aux mots.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent que les travaux de recherche ont été menés en l’absence de toute relation commerciale ou financière pouvant être interprétée comme un potentiel conflit d’intérêts.

Remerciements

Les auteurs remercient infiniment tous ceux qui ont contribué à la traduction des articles de cette collection afin de les rendre accessibles et compréhensibles aux enfants des pays non anglo-saxons, ainsi qu’à la Fondation Jacobs pour avoir octroyé les fonds nécessaires pour cette traduction. Nous souhaitons dédier cet article à tous les enfants qui ont des difficultés de lecture, et remercier les éducateurs, parents et enseignants qui les accompagnent.

Déclaration d’utilisation des outils d’IA

Tout texte alternatif fourni avec les figures de cet article a été généré par Frontiers grâce à l’intelligence artificielle. Des efforts raisonnables ont été déployés pour garantir son exactitude, notamment par une relecture par les auteurs lorsque cela était possible. Si vous constatez des problémes, veuillez nous contacter.


Références

[1] Chall, J. S. 1983. Stages of Reading Development. New York, NY: McGraw-Hill Book Company.

[2] Castles, A., Rastle, K., and Nation, K. 2018. Ending the reading wars: Reading acquisition from novice to expert. Psychol. Sci. Public Interest. 19:5–51. doi: 10.1177/1529100618772271

[3] Broadhouse, K. 2019. The physics of MRI and how we use it to reveal the mysteries of the mind. Front. Young Minds 7:23. doi: 10.3389/frym.2019.00023

[4] Raschle, N. M., Zuk, J., and Gaab, N. 2012. Functional characteristics of developmental dyslexia in left-hemispheric posterior brain regions predate reading onset. Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 109:2156–61. doi: 10.1073/pnas.1107721109

[5] Raschle, N. M., Chang, M., and Gaab, N. 2011. Structural brain alterations associated with dyslexia predate reading onset. Neuroimage 57:742–9. doi: 10.1016/j.neuroimage.2010.09.055

[6] Langer, N., Peysakhovich, B., Zuk, J., Drottar, M., Sliva, D., Smith, S., et al. 2017. White matter alterations in infants at risk for developmental dyslexia. Cereb. Cortex 27:1027–36. doi: 10.1093/cercor/bhv281