Concept de base Neuroscience et psychologie Publié le 15 décembre 2025

Tirer les leçons des erreurs commises : comment le cerveau gère-t-il les erreurs?

Résumé

Nous commettons tous des erreurs – et lorsque cela arrive, c’est une merveilleuse occasion pour le cerveau d’ajuster ce qu’il est en train de faire et d’apprendre. Pour étudier la manière dont le cerveau détecte et gère les erreurs, les chercheurs ont utilisé des casques équipés de capteurs pouvant mesurer l’activité cérébrale. Cette méthode a permis aux chercheurs de constater que le cerveau génère un type d’activité cérébrale spécifique lorsqu’on commet une erreur. Cette activité, qui est appelée négativité liée à l’erreur ou ERN, se produit presque au même moment où l’erreur est commise. C’est comme si le cerveau savait déjà, en quelques fractions de secondes, qu’on avait commis une erreur. Alors, de quelle région cérébrale provient cette ERN ? Comment nous aide-t-elle à apprendre ? Et comment change-t-elle lorsque nous grandissons et devenons adultes?

Faire des erreurs

On est souvent mal à l’aise après avoir fait une erreur. C’est par exemple la déception qu’on ressent lorsqu’on rate la cible aux fléchettes, ou le sentiment désagréable qu’on a après avoir obtenu une mauvaise note à l’école. Ces sentiments peuvent être énervants ou douloureux, mais ils font partie de l’activité cérébrale qui nous fera réussir à l’avenir.

Faire une erreur pouvait provoquer une blessure ou la mort pour nos ancêtres lointains qui vivaient dans la nature, en chassant du gibier et en évitant les prédateurs. Leur cerveau les aidait à tirer les leçons de leurs erreurs et a permis la survie de l’espèce humaine. L’une des principales fonctions du cerveau consiste à prévoir l’avenir. Cela inclut la manière de changer notre comportement pour ne pas commettre les mêmes erreurs dans le futur. Il est donc important de savoir comment le cerveau détecte et traite les erreurs pour comprendre comment il fonctionne et comment nous apprenons.

Abordons les erreurs comme cela : tu te fixes un objectif que tu veux atteindre. Tu es par exemple en train de jouer au football et tu dois tirer un coup franc. Ton but est alors littéralement de marquer un but. Tu évalues la situation et choisis une stratégie. Disons que l’équipe adverse a formé un mur défensif et tu décides de faire une frappe enveloppée pour que la balle contourne le mur et rentre dans les buts. En frappant la balle, tu ne lui donnes pas assez de rotation et elle rebondit sur le poteau.

Dans cet exemple, l’erreur est due à une fausse prévision. Tu pensais que la technique utilisée pour tirer le coup franc te permettrait de marquer un but. Malheureusement, et à ta grande surprise, la balle a heurté le poteau et a rebondi dessus. En d’autres termes, tu n’as pas obtenu le résultat désiré. Tu es probablement déçu d’avoir manqué le but mais cette situation te donne une leçon importante. Elle te dit que ta vision sur le fonctionnement du monde et sur ta capacité à le changer n’est pas entièrement correcte. Ainsi, tu sauras désormais qu’il faudra tirer le prochain coup franc avec plus de rotation. Cette expérience t’aide à perfectionner tes tirs pour finalement parvenir à marquer un but.

Comment le cerveau traite-t-il les erreurs?

Les cellules du cerveau communiquent entre elles grâce à l’électricité. Cette activité électrique s’étend à l’extérieur de la tête en passant par les tissus cérébraux, la boîte crânienne et la peau. Elle peut être enregistrée à l’aide de casques équipés de capteurs appelés électrodes. C’est l’électro-encéphalographie (EEG) qui permet de mesurer l’activité cérébrale pendant qu’on réalise différentes tâches. Le cerveau génère constamment cette activité électrique puisqu’il n’arrête jamais de fonctionner. En regardant les modèles des « ondes cérébrales » électriques, il est possible d’en apprendre davantage sur ce qui se passe dans le cerveau. On peut savoir si la personne examinée est éveillée ou endormie, si elle est détendue ou concentrée ou si elle vient de commettre une erreur.

Au laboratoire, nous examinons l’activité cérébrale liée aux erreurs en confiant une tâche très difficile à une personne qui doit nécessairement commettre plusieurs fautes. Par exemple, nous pouvons lui demander d’appuyer rapidement sur une touche d’un clavier lorsqu’une flèche gauche ou droite apparait au centre d’un écran alors qu’elle est entourée par d’autres flèches indiquant une direction différente. Un type spécifique d’activité cérébrale apparait à chaque fois que la personne fait une erreur. Il s’agit d’une activité électrique négative qui est la plus intense au sommet du crâne. Comme cette activité est négativement chargée et associée aux erreurs, on l’appelle négativité liée à l’erreur (ERN) [1] (Figure 1).

Graphique linéaire illustrant l'activité cérébrale en microvolts en fonction du temps en millisecondes, avec une erreur marquée à 0 milliseconde. Les points saillants incluent une forte chute nommée ERN et un pic subséquent nommé Positivité liée à l'erreur. Un encart circulaire illustre une distribution topographique de l'ERN avec des gradations de couleur allant du bleu au centre au rouge sur les bords.
  • Figure 1 - Cette figure représente la négativité liée à l’erreur (ERN) et la positivité de l’erreur.
  • Un modèle spécifique d’activité cérébrale peut être observé lorsqu’on commet une faute. Sur le graphique, la ligne ondulée montre l’activité cérébrale au fil du temps. La ligne verticale quant à elle représente le moment au cours duquel l’erreur a été commise. Tu peux voir que l’ERN (en bleu) se produit presque immédiatement après la faute commise et devient plus intense au-dessus de la tête, tandis que la positivité de l’erreur (en rouge) intervient un peu tard.
    Error Positivity = Posivité de l’erreur; Error = erreur;
    ERN Scalp distribution = Répartition de l’ERN sur le cuir chevelu.

L’ERN provient d’une région cérébrale au fond de la partie antérieure du cerveau appelée cortex cingulaire [2] (Figure 2). Elle découle probablement de la détection d’une erreur par le cortex cingulaire et du signal d’alerte envoyé aux autres parties du cerveau à travers les liaisons appelées faisceaux de cingulum qui permettent d’éviter de commettre de nouvelles erreurs.

Images côte à côte d'un cerveau humain. L'image de gauche montre une vue sagittale avec le cingulum mis en évidence en vert. L'image de droite présente un modèle de fibres neurales avec des lignes colorées illustrant la connectivité cérébrale, représentant la même région. Les orientations avant et arrière sont indiquées.
  • Figure 2 - Représentation du cortex cingulaire et des faisceaux de cingulum.
  • À gauche, le cortex cingulaire, présenté en vert, est une région qui se situe profondément à l’intérieur du cerveau et qui constitue la source de l’ERN. À droite, les faisceaux de cingulum, qui désignent l’ensemble des fibres localisées en dessous du cortex cingulaire, relient les différentes régions du cerveau (illustration de Sila Genc).
    Front = Avant;
    Back = Arrière.

Curieusement, l’ERN survient très rapidement lorsqu’une erreur est commise, avant même qu’on ne s’en rende compte. Elle se produit généralement au plus tard 100 millisecondes après une faute. Il est possible qu’elle soit même simultanée à l’erreur, alors que le sentiment de l’avoir commise ne surviendra pas avant au moins 200 millisecondes. C’est comme si notre cerveau était au courant de la faute commise avant « nous ». Les scientifiques pensent que c’est exactement ce qui se passe.

Le cortex cingulaire compare nos actions réelles à celles qu’on aimerait entreprendre ou aux objectifs à atteindre et l’ERN indique à notre moi conscient qu’elles ne correspondent pas au résultat escompté. L’ERN signale ainsi cette erreur ou cette différence à notre attention. Le constat d’avoir commis une faute intervient au même moment qu’un autre signal cérébral appelé positivité de l’erreur. Il s’agit d’un signal électrique que les scientifiques pensent lié à la prise de conscience des erreurs.

Comment les erreurs commises nous aident-elles à corriger notre comportement et à apprendre?

Plusieurs études scientifiques ont démontré qu’après avoir commis une faute, on réagit plus lentement par la suite. Cela peut s’expliquer par le fait que le cerveau essaie de se donner plus de temps pour éviter de refaire la même erreur. Plus l’ERN est forte après une erreur, plus la réaction a tendance à être lente la fois suivante [3].

Certaines personnes ont une ERN plus intense que d’autres. Sont-elles plus sensibles aux erreurs et peuvent-elles en apprendre davantage ? Plusieurs études semblent soutenir ce point de vue. Par exemple, Hirsh et Inzlicht [4] ont révélé qu’une ERN plus forte était associée à de meilleures performances scolaires. Dans leur étude, ils ont mesuré l’activité cérébrale chez des étudiants et ont constaté que ceux qui avaient une plus grande ERN avaient aussi tendance à obtenir de meilleures notes.

Notons cependant qu’avoir une ERN forte n’est pas nécessairement une bonne chose. Les personnes plus anxieuses semblent avoir une ERN plus forte [5] et les réponses cérébrales très fortes face aux erreurs sont associées à un manque d’attention accru plutôt qu’à une augmentation de la concentration. Si l’ERN montre que le cerveau réagit et répond aux erreurs, alors une ERN plus forte peut être une réaction excessive et indiquer que l’on s’inquiète ou s’énerve plus que nécessaire face à ses erreurs.

Comment les signaux d’erreurs changent-ils avec la croissance?

Pendant l’enfance et l’adolescence, non seulement notre corps subit de nombreux changements, mais aussi notre manière de penser, notre ressenti, notre comportement et nos motivations. Ces changements nécessitent, tout comme nos responsabilités croissantes et les attentes auxquelles nous faisons face d’essayer et de faire des erreurs pour acquérir les compétences sociales et académiques dont on a besoin pour réussir en tant qu’adultes.

Les études montrent que l’ERN change avec l’âge et que ses signaux sont plus forts chez les adultes et les adolescents comparativement aux enfants [3]. Le fait que l’ERN augmente considérablement pendant l’enfance et l’adolescence est probablement lié à la manière dont le cerveau se développe. Les diverses régions du cerveau se développent à des rythmes différents. Certaines sont entièrement matures à la fin de l’enfance, tandis que d’autres se développent jusqu’à l’âge adulte [6]. Par exemple, le cortex cingulaire, qui produit l’ERN, continue de se développer après l’âge de 20 ans. En d’autres termes, cette partie du cerveau qui nous aide à tirer des leçons de nos fautes prend beaucoup plus de temps pour se développer par rapport à bien d’autres régions du cerveau.

Conclusion

Commettre des erreurs est parfois ennuyant et frustrant. Cependant, il est très important pour nous d’apprendre de ces erreurs pour que nous puissions corriger nos réactions et agir différemment la fois suivante dans la même situation. Le cerveau est très sensible aux fautes et il génère une activité électrique dénommée ERN (négativité liée à l’erreur) lorsqu’on en fait une. Ce signal d’erreur (1) se produit avant qu’on ne se rende compte de l’erreur, (2) devient plus intense avec l’âge et (3) peut prédire la réussite scolaire ou académique. Il reste encore beaucoup de choses à découvrir sur les réactions du cerveau face aux erreurs. Des recherches supplémentaires sur l’ERN pourront aider à résoudre ces mystères.

Glossaire

L’électro-encéphalographie (EEG): C’est une méthode qui enregistre l’activité électrique du cerveau.

Négativité liée à l’erreur (ERN): C’est une activité cérébrale électrique et négative qui se produit très rapidement après une erreur et qui signale la détection et le traitement de cette dernière.

Cortex cingulaire: C’est une partie du cerveau qui se situe profondément à l’intérieur du cerveau.

Faisceaux de cingulum: Ils désignent des faisceaux de fibres nerveuses qui relient différentes parties du cerveau.

Positivité de l’erreur: C’est une activité cérébrale électrique et positive qui se produit 200 millisecondes après une erreur. Elle se produit lorsqu’on prend conscience de la faute commise.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent que les travaux de recherche ont été menés en l’absence de toute relation commerciale ou financière pouvant être interprétée comme un potentiel conflit d’intérêts.

Remerciements

Les auteurs remercient infiniment tous ceux qui ont contribué à la traduction des articles de cette collection afin de les rendre accessibles et compréhensibles aux enfants des pays non anglo-saxons et la Fondation Jacobs pour avoir octroyé les fonds nécessaires pour cette traduction. Christian Tamnes a été soutenu par le Conseil de recherche de Norvège (#230345, #288083, #223273) et l’Office régional de la santé du sud-est de la Norvège (#2019069).

Déclaration d’utilisation des outils d’IA

Tout texte alternatif fourni avec les figures de cet article a été généré par Frontiers grâce à l’intelligence artificielle. Des efforts raisonnables ont été déployés pour garantir son exactitude, notamment par une relecture par les auteurs lorsque cela était possible. Si vous constatez des problémes, veuillez nous contacter.


Références

[1] Tamnes, C. K., Walhovd, K. B., Torstveit, M., Sells, V. T., and Fjell, A. M. 2013. Performance monitoring in children and adolescents: a review of developmental changes in the error-related negativity and brain maturation. Dev. Cogn. Neurosci. 6:1–13. doi: 10.1016/j.dcn.2013.05.001

[2] Cavanagh, J. F., and Frank, M. J. 2014. Frontal theta as a mechanism for cognitive control. Trends Cogn. Sci. 18:414–21. doi: 10.1016/j.tics.2014.04.012

[3] Overbye, K., Walhovd, K. B., Paus, T., Fjell, A. M., Huster, R. J., and Tamnes, C. K. 2019. Error processing in the adolescent brain: Age-related differences in electrophysiology, behavioral adaptation, and brain morphology. Dev. Cogn. Neurosci. 38:100665. doi: 10.1016/j.dcn.2019.100665

[4] Hirsh, J. B., and Inzlicht, M. 2010. Error-related negativity predicts academic performance. Psychophysiology 47:192–6. doi: 10.1111/j.1469-8986.2009.00877.x

[5] Hajcak, G. 2012. What we’ve learned from mistakes: insights from error-related brain activity. Curr. Direct. Psychol. Sci. 21:101–6. doi: 10.1177/0963721412436809

[6] Amlien, I. K., Fjell, A. M., Tamnes, C. K., Grydeland, H., Krogsrud, S. K., Chaplin, T. A., et al. 2016. Organizing principles of human cortical development—thickness and area from 4 to 30 years: insights from comparative primate neuroanatomy. Cereb. Cortex 26:257–67. doi: 10.1093/cercor/bhu214