Résumé
Qu’est-ce que la musique et pourquoi pense-t-on qu’elle est importante pour l’apprentissage ? Les sons et la musique sont partie intégrante de notre vie : de la musique partagée sur Internet à celle que nous entendons dans les magasins et les restaurants, la musique n’est jamais loin. La musique offre au cerveau un « exercice » multisensoriel qui peut renforcer la mémoire, favoriser l’attention et même améliorer l’aptitude à la lecture. Tu n’as pas besoin d’être Mozart pour que ton cerveau tire profit de la musique puisque que celle-ci est très accessible et ne se résume pas aux seules chansons. Chaque fois que tu communiques sans mots (concentration sur la manière dont tu dis les choses et non sur ce que tu dis), tu manifestes un comportement musical. Dans cet article, nous allons découvrir des études sur le lien entre l’apprentissage et la musique afin de comprendre pourquoi la musique contribue au développement cérébral et comment elle peut être un élément central de nos vies en classe tout comme en dehors.
Attention à la mélodie
Qu’est-ce que la musique et pourquoi pense-t-on qu’elle est importante pour l’apprentissage ? Tout autour du monde, les peuples de chaque culture conçoivent quelque chose qu’on pourrait appeler musique, mais beaucoup d’entre eux ne la nomment pas ainsi ou pensent qu’elle ne se distingue pas des autres activités comme la danse ou la narration [1]. C’est pourquoi nous ne pouvons définir la musique que d’une manière générale, comme une forme de communication à travers les sons. Cependant, et contrairement au discours, elle n’est généralement pas considérée comme relevant de la sémantique. Cela signifie qu’elle n’utilise pas de mots pour présenter des faits. Imagine comme il serait difficile de dire quelque chose de simple comme « ta chaussure gauche est délacée » en utilisant seulement la mélodie et le rythme. Par ailleurs, la musique peut transmettre des émotions profondes que les mots seuls ne peuvent pas décrire. Outre sa nature artistique, elle se traduit dans toutes les formes de communication. Pense à toutes les manières de dire « euh » qui expriment des réalités différentes. C’est ce qui constitue la musicalité. La musicalité ne veut pas dire performance musicale, il s’agit plutôt d’un aspect musical de la communication. Si tout le monde n’est pas maître du violon, tout le monde est bien maître de son propre style de communication.
Les scientifiques ont d’abord pensé que le cerveau pouvait tirer profit de la musique en l’écoutant tout simplement. Ils ont démontré que les résultats au test de quotient intellectuel (QI) s’amélioraient pour les personnes qui écoutaient Mozart [2]. C’est ce qui a fait naître l’idée selon laquelle la musique rend plus intelligent. Cependant, cette idée était une simplification excessive et une surestimation des résultats. Les études ultérieures ont révélé que la musique ne rend pas intelligent, mais plutôt qu’elle augmente le plaisir lors de l’apprentissage et diminue le stress, ce qui favorise parfois une meilleure attention et de meilleurs résultats aux évaluations. Cela signifie que, même si la musique écoutée à la maison ou en classe n’améliore pas automatiquement tes performances scolaires, elle peut être utile pour ta concentration dans certaines situations qui nécessitent plus d’attention et moins de stress. Par ailleurs, le simple fait d’écouter de la musique n’aura pas le même effet que le fait de jouer de la musique. De la même manière, faire du sport améliore ta condition physique bien plus que de regarder du sport à la télévision. Par conséquent, le pouvoir de la musique est amplifié lorsque l’on en joue.
Musique et intelligence
Tout comme les muscles de ton corps, ton cerveau devient plus fort en s’exerçant. Les changements cérébraux qui s’opèrent au cours de nos expériences constituent la plasticité neuronale, appelée ainsi car le cerveau se façonne facilement, comme du plastique. Les scientifiques mesurent la neuroplasticité à l’aide des différentes techniques d’imagerie cérébrale, comme l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ou l’électro-encéphalogramme (EEG), afin de comprendre comment la musique intervient dans le fonctionnement du cerveau. Les recherches menées avec ces machines ainsi que les études sur les cerveaux de personnes décédées montrent que les régions cérébrales responsables de l’audition (l’ouïe), de la vision (la vue) et de la motricité (ensemble des fonctions qui assurent les mouvements) sont spécifiques chez les musiciens professionnels [3]. Cette spécificité se traduit non seulement par une taille accrue de chaque région cérébrale mais aussi par un fonctionnement différent. La science nous montre que la musique est plus qu’un divertissement, c’est un élément essentiel de notre apprentissage tout au long de notre vie. Voici quelques faits importants qui se passent dans le cerveau lorsque nous jouons de la musique (pour plus de détails, voir Zatorre [4]):
L’audition : le système auditif traite les sons plus efficacement après une pratique musicale. Les gens peuvent déceler de petites différences de fréquence (le nombre d’ondes sonores par seconde) qui rendent plus facile l’écoute de la parole et de la musique [5].
La motricité : les régions cérébrales qui contrôlent les muscles et les parties de l’organisme manipulant les instruments (comme les doigts, la bouche, etc.) augmentent en taille. Davantage de neurones cérébraux sont destinés à perfectionner le mouvement des muscles dans ces régions.
La lecture : des études ont démontré qu’une meilleure capacité musicale est associée à de bonnes notes en lecture, ce qui suggère un lien entre notre capacité d’écoute du langage et notre capacité à transcrire les paroles en lettres.
La conscience socio-émotionnelle : la pratique de la musique en groupe peut stimuler la conscience socio-émotionnelle, qui renvoie à la capacité d’identifier, de gérer et d’exprimer les émotions de manière constructive. Par exemple, les très jeunes enfants ont tendance à interagir plus facilement en compagnie de personnes avec qui ils jouent de la musique.
Établir des relations avec la musique
Dans quelle mesure la musique peut-elle influencer les informations qui ne sont pas perçues par l’ouïe ? La raison pour laquelle la musique peut atteindre de nombreuses parties cérébrales est que le système auditif est fortement lié aux autres régions sensorielles [6] (Figure 1).
- Figure 1 - D’autres régions sensorielles cérébrales transmettent des informations à l’aire auditive (l’ouïe, en bleu).
- Les régions multisensorielles comme le cortex préfrontal (cognition), le cortex moteur (mouvement) et le cortex auditif complexe sont présentées en gris et comportent des petites boîtes colorées pour montrer les sens avec lesquels elles interagissent. Les fortes liaisons vers les régions auditives et visuelles sont considérées comme des autoroutes à deux voies (Two-way connections) étant donné que les informations sensorielles sont partagées dans les deux directions entre les régions cérébrales (lignes orange en pointillé). Parallèlement, les régions somatosensorielles (toucher), indiquées en vert, se composent aussi de liaisons à deux voies qui partagent des informations. D’après Musacchia et Schoreder [6].
Rappelle-toi de tes premiers jours à l’école, tu te souviendras certainement d’avoir chanté des chansons. D’ailleurs, beaucoup d’entre nous chantent toujours l’alphabet pour se rappeler de la position d’une lettre. Si tu ne nous crois pas, quelle lettre apparaît quatre lettres après « M » ? Dis-nous que tu n’as pas chanté l’alphabet dans ta tête afin de trouver la réponse ! Les chansons avec des mélodies et des rythmes répétitifs permettent de mémoriser des listes, des histoires et des procédures.
La Figure 1 montre le modèle de liaisons entre la principale région cérébrale auditive et les autres régions sensorielles et perceptives. Lorsqu’on apprend à jouer de la musique, les sens, dont la vue, le toucher, l’ouïe, l’équilibre, le mouvement et la proprioception (la perception du corps) interagissent activement. La particularité de la musique repose sur deux faits. Tout d’abord, lorsque tu joues de la musique, tous tes sens sont sollicités. Par exemple, tu ressens l’instrument musical sur tes mains, tu entends les sons que tu joues et tu voies les notes sur la feuille de musique. Puisque chaque type d’information sensorielle arrive au cerveau à des moments différents, le cerveau doit synchroniser ces informations. Deuxièmement, lorsque l’on joue de la musique, tout se passe à des vitesses et des échelles de temps différentes qui doivent s’aligner avec justesse. Par exemple, un guitariste doit savoir être en rythme avec une mélodie et une chanson afin d’être en harmonie lors d’un concert. Bien qu’il soit difficile pour nous de comprendre comment le cerveau assure le suivi de tous ces éléments, il est probable que divers mécanismes de chronométrage soient en place (« horloges ») pour des échelles de vitesse différentes (« vitesses »). Certaines de nos recherches reposent sur l’idée selon laquelle la synchronisation entre ces « horloges » cérébrales peut aider à analyser d’autres flux sonores comme la parole.
Toute une vie de musique
La musique est aussi un moyen d’exprimer notre identité, car celle qu’on joue ou qu’on écoute peut être une manière pour nous de signifier au monde, à nos semblables, à nos parents et amis quelque chose sur notre personnalité. Pour les peuples qui n’utilisent pas l’écriture, les chanteurs occupent souvent une place importante dans la société parce qu’ils mémorisent des faits essentiels comme l’histoire et les relations familiales. Alors que l’expression musicale de l’identité est généralement positive, il est arrivé que des groupes de personnes trouvent la musique d’un autre groupe menaçante, voire dangereuse [7]. Par exemple, à la fin des années 1980, des rappeurs ont été arrêtés parce qu’ils donnaient des concerts que les autorités ont trouvés hostiles et irrespectueux.
La musique, qu’elle soit chantée ou jouée, n’est pas seulement une activité spéciale que l’on pratique de temps à autres, la musique emplit notre vie. Elle est jouée sur des haut-parleurs, parfois en direct, dans la plupart des lieux publics, des bus, des ascenseurs et des restaurants. Beaucoup d’entre nous l’écoutons aussi sur notre téléphone et dans notre voiture.
Notre vie est véritablement emplie de musique et notre relation avec elle peut fortement influer sur notre apprentissage.
Glossaire
La sémantique: ↑ Ce qui se rapporte au sens en langue ou en logique.
La mélodie: ↑ C’est une séquence de notes simples musicalement satisfaisantes.
Le rhythme: ↑ Il désigne un ensemble de mouvements et de sons forts, réguliers et répétés.
La musicalité: ↑ C’est le talent ou la sensibilité musical(e).
Test de quotient intellectuel (QI): ↑ Le quotient intellectuel renvoie à l’évaluation normale du niveau d’intelligence d’un individu sur la base de tests psychologiques.
La plasticité neuronale: ↑ Elle désigne la capacité du système nerveux à se modifier face aux expériences ou aux privations.
Conflit d’intérêts
Les auteurs déclarent que les travaux de recherche ont été menés en l’absence de toute relation commerciale ou financière pouvant être interprétée comme un potentiel conflit d’intérêts.
Remerciements
Nous remercions tous ceux qui ont contribué à la traduction des articles de cette collection afin de les rendre accessibles et compréhensibles aux enfants des pays non-anglophones et la Fondation Jacobs pour avoir octroyé les fonds nécessaires pour cette traduction.
Déclaration d’utilisation des outils d’IA
Tout texte alternatif fourni avec les figures de cet article a été généré par Frontiers grâce à l’intelligence artificielle. Des efforts raisonnables ont été déployés pour garantir son exactitude, notamment par une relecture par les auteurs lorsque cela était possible. Si vous constatez des problémes, veuillez nous contacter.
Références
[1] ↑ Merriam, A. P., and Merriam, V. 1964. The Anthropology of Music. Evanston, IL: Northwestern University Press.
[2] ↑ Rauscher, F. H., Shaw, G. L., and Ky, K. N. 1995. Listening to Mozart enhances spatial-temporal reasoning: towards a neurophysiological basis. Neurosci. Lett. 185:44–7
[3] ↑ Schlaug, G. 2009. “Music, musicians, and brain plasticity,” in Oxford Handbook of Music Psychology, eds S. Hallam, I. Cross and M. Thaut (Oxford: Oxford University Press), 197–207.
[4] ↑ Zatorre, R. J. 2003. Music and the brain. Ann. N. Y. Acad. Sci. 999:4–14. doi: 10.1196/annals.1284.001
[5] ↑ Musacchia, G., Sams, M., Skoe, E., and Kraus, N. 2007. Musicians have enhanced subcortical auditory and audiovisual processing of speech and music. Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 104:15894–8. doi: 10.1073/pnas.0701498104
[6] ↑ Musacchia, G., and Schroeder, C. E. 2009. Neuronal mechanisms, response dynamics and perceptual functions of multisensory interactions in auditory cortex. Hear Res. 258:72–9. doi: 10.1016/j.heares.2009.06.018
[7] ↑ Binder, A. 1993. Constructing racial rhetoric: media depictions of harm in heavy metal and rap music. Am. Sociol. Rev. 58:753–67.