Concept de base Neuroscience et psychologie Publié le 15 décembre 2025

Le cerveau adolescent est absolument impressionnant

Résumé

Le développement du cerveau humain dure de nombreuses années. Cet organe, qui évolue considérablement pendant l’enfance, continue à se transformer durant la deuxième décennie de la vie, ce qui rend passionnante cette période dite « adolescence ». Les adolescents possèdent un cerveau plus susceptible d’évoluer que le cerveau adulte et, contrairement aux enfants plus jeunes, sont capables d’agir eux-mêmes sur le développement de leur cerveau. L’augmentation des capacités de traitement de l’information et de la sensibilité sociale permet par ailleurs, à cette période de la vie, de se repérer de mieux en mieux dans les interactions sociales complexes. Le présent article aborde des recherches actuelles sur le développement cérébral qui peuvent être utilisées pour donner aux adolescents de meilleurs outils pour aborder le monde qui les entoure. Il formule également des recommandations pour favoriser, pendant l’adolescence, le développement cérébral et optimiser l’environnement d’apprentissage en milieu scolaire.

Introduction

Le cerveau adolescent est impressionnant, et cet article va te le prouver ! L’adolescence débute souvent par des changements physiques dus à la puberté. Mais dans le cerveau aussi, des changements s’opèrent, et ils vont continuer jusque dans la vingtaine [1]. Les changements cérébraux se reflètent dans les changements de comportement fréquents à l’adolescence, comme le désir de découvrir de nouvelles choses, de nouer de nouvelles relations et d’apprendre à évoluer au sein de la société.

La structure cérébrale change pendant l’adolescence

L’imagerie par résonance magnétique (IRM), une technique qui utilise des aimants et des ondes radioélectriques, permet de prendre des photos du cerveau d’une personne couchée dans un tunnel qui ressemble un peu à un très grand donut (Figure 1). Grâce à l’IRM, on peut voir comment, tout au long de l’adolescence, le cerveau humain change, en termes de structure (anatomie) comme d’organisation (connexions).

Comparaison côte à côte : L'image A présente un appareil d'IRM éclairé dans une pièce faiblement éclairée. L'image B représente un beignet glacé sur un fond blanc uni. Les deux partagent une forme circulaire avec un centre creux.
  • Figure 1 - (A) La machine qui permet de faire l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ressemble un peu à (B) un donut.

Le cerveau comporte plusieurs zones, mais cet article s’intéresse principalement à sa partie principale : le télencéphale et ses tissus (Figure 2A). Le télencéphale est constitué de deux types de tissus : la matière grise et la substance blanche. La matière grise se compose de cellules cérébrales appelées neurones et de leurs interconnexions. Elle constitue l’intérieur du télencéphale, mais aussi son écorce (le cortex). Elle contient la majorité des corps cellulaires des neurones et joue un rôle essentiel dans le contrôle musculaire, la perception sensorielle, la prise de décision et la maîtrise de soi. La quantité de matière grise diminue à l’adolescence d’environ 1,5 % par an ([1]; Figure 2B), mais cette diminution n’est pas une mauvaise chose ! Il semblerait qu’elle soit liée au perfectionnement des connexions entre les cellules cérébrales, ainsi qu’à l’augmentation d’un autre tissu du télencéphale : la substance blanche.

Image d'IRM d'un cerveau avec les indications « Avant de la tête » et « Arrière de la tête » sur les côtés. Deux graphiques illustrent les changements liés à l'âge : le graphique B montre une diminution du volume cortical de l'âge de 10 ans à 30 ans, tandis que le graphique C montre une augmentation du volume de la matière blanche sur la même période. Des points de données multicolores et des courbes de tendance illustrent les variations.
  • Figure 2 - (A) Image d’une section du télencéphale humain obtenue par IRM.
  • Cette photo est une vue du cerveau depuis le haut du crâne. Les formes grises qui semblent tourbillonner autour des zones blanches constituent la matière grise du cortex, et les parties blanches s’appellent... la substance blanche. (B) La quantité de matière grise présente dans le cortex diminue pendant l’adolescence, tandis que (C) la quantité de substance blanche du télencéphale augmente pendant la même période. Dans les graphiques B et C, chaque point représente la mesure cérébrale par IRM d’un individu à un moment donné. Ces points sont connectés par des lignes pour rendre visibles les mesures collectées pour un individu. Les données ont été recueillies dans quatre laboratoires de recherche, et les quatre lignes en gras illustrent les moyennes pour chaque site (figure adaptée de Tamnes et al. [2] et Mills et al. [1]).

La substance blanche du télencéphale est quant à elle située sous le cortex. Elle est composée de longues fibres neuronales, appelées axones, qui envoient les signaux permettant la connexion de différentes zones du cerveau. La substance blanche augmente au début de l’adolescence, puis semble se stabiliser à partir de quinze ans environ (Figure 2C). Cette augmentation de la substance blanche serait liée à une accélération des signaux envoyés entre les cellules nerveuses. La Figure 3 présente l’anatomie de la matière grise et de la substance blanche.

Silhouette d'une tête humaine dont une section du cerveau, montrant la substance blanche cérébrale, est mise en évidence. Un dessin anatomique présente l'intérieur du cerveau, soulignant la substance blanche. Une vue agrandie d'une colonne corticale est représentée avec une texture détaillée.
  • Figure 3 - À gauche, silhouette d’une tête humaine avec, en superposition, l’image du cerveau pour en donner une autre vision.
  • Au milieu, dessin d’une coupe transversale du cerveau humain exposant la substance blanche sous le cortex. La substance blanche est composée de deux zones dont l’une (appelée corona radiata) est illustrée ici. La colonne corticale d’un jeune humain en développement est représentée dans l’encadré jaune. Ce dessin montre comment les neurones sont disposés dans le cortex, mais la matière grise corticale comporte aussi plusieurs composantes cellulaires invisibles ici, dont les cellules gliales et les vaisseaux sanguins. Ces dessins proviennent de deux référentiels d’images en libre accès : WikiMedia Commons et Pixabay.

Les modifications de l’organisation cérébrale à l’adolescence

L’IRM peut également servir à voir comment le cerveau est organisé, c’est-à-dire de quelle façon ses différentes parties sont liées entre elles. Étant donné que le cerveau humain se modifie fortement à l’adolescence, son organisation peut être influencée par les activités et les expériences de la personne, ainsi que par le milieu dans lequel elle vit. Le cerveau est un vaste réseau : certaines de ses zones communiquent entre elles lorsque l’on fait différentes choses, comme penser à d’autres personnes ou se déplacer géographiquement. Ces schémas de communication cérébrale peuvent être étudiés grâce à une technique légèrement différente de l’IRM : l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Celle-ci permet de mesurer la quantité d’oxygène sanguin circulant à travers le cerveau, et par conséquent l’activité cérébrale. Lorsque différentes parties du cerveau présentent des schémas d’activité similaires, on dit qu’elles sont connectées de manière fonctionnelle.

Les comportements caractéristiques de l’adolescence, comme le fait de s’intéresser aux autres ou de prendre des décisions, sont liés à certains schémas d’activité cérébrale de différentes parties du cerveau fonctionnellement connectées. Toutefois, tous les adolescents ne présentent pas la même organisation cérébrale, et tous ne présentent pas les mêmes comportements. Les schémas d’activité cérébrale qui diffèrent d’une personne à l’autre peuvent être liés à des différences de comportement.

L’un des comportements qui changent à l’adolescence est ce qu’on appelle le choix intertemporel. Ce comportement est lié à notre aptitude à attendre une récompense plus ou moins longtemps, et plus particulièrement à choisir entre une petite récompense disponible immédiatement et une récompense plus importante, mais conditionnée à un délai d’attente. Nous avons étudié la façon dont cette préférence évolue durant le passage à l’adolescence. Ce que nous avons constaté, c’est que les schémas d’activité cérébrale qui relient les régions du cerveau impliquées dans le contrôle du comportement à d’autres régions impliquées, elles, dans l’évaluation de ce que peut nous apporter le monde, étaient liés au choix intertemporel de la personne concernée [3]. À l’encontre du stéréotype selon lequel les adolescents n’auraient généralement pas la patience d’attendre pour recevoir une récompense plus importante lorsqu’une récompense moindre est immédiatement disponible, notre étude a montré qu’il existait des différences comportementales entre les individus, et qu’elles étaient liées à l’organisation cérébrale de chacun.

Des études fondées sur l’imagerie cérébrale ont démontré que le cerveau se réorganisait à l’adolescence. Compte tenu des importants changements observés, les expériences faites par un individu durant cette période pourraient contribuer à modeler son organisation cérébrale. En adoptant certains types de comportements, les adolescents renforcent certains schémas de leur activité cérébrale, ce qui leur permet de progresser notablement durant cette période sur les plans intellectuel et émotionnel.

Pourquoi le développement du cerveau adolescent constitue-t-il une opportunité unique?

Les changements qui ont lieu à l’adolescence dans la structure et l’organisation cérébrales sont plus importants qu’à l’âge adulte, mais moins que pendant l’enfance. Par ailleurs, contrairement à l’enfance, l’adolescence est une période au cours de laquelle on peut réellement modeler la manière dont le cerveau se développe. Cela s’explique par le fait qu’à l’adolescence, on sait plus de choses sur soi-même et sur le monde, que l’on est plus motivé, plus engagé, et que l’on est plus à même de faire des choix susceptibles d’impacter le cerveau. C’est pour tout cela que le cerveau adolescent est si impressionnant.

Parmi les compétences cérébrales qui augmentent au cours de l’adolescence, on peut citer la pensée abstraite, la capacité à considérer plusieurs points de vue ou à réfléchir sur le processus même de la réflexion. Certains chercheurs estiment que l’adolescence est l’âge le plus propice pour résoudre des problèmes de façon innovante et créative grâce à la capacité à réfléchir à plusieurs concepts en même temps qui la caractérise [4]. Les capacités cérébrales déjà développées à l’adolescence peuvent être mises à profit pour favoriser une bonne évolution du cerveau, mais pour cela, il faut que les adolescents aient la liberté de faire leurs propres choix. Par exemple, le fait d’encourager des adolescents à fixer eux-mêmes leurs objectifs stimule chez eux l’activité cérébrale impliquée dans la construction de leur identité et la prise en compte des conséquences à long terme. Les adolescents se soucient souvent de la manière dont ils sont considérés par leurs pairs. Bien que cet aspect de la sensibilité sociale soit généralement considéré comme négatif dans le comportement adolescent, il peut en réalité être positif lorsque le sujet vit dans unenvironnement sain [5]. Autre aspect de la sensibilité sociale qui augmente pendant l’adolescence : l’intérêt pour les structures sociales de grande envergure et les événements se produisant dans le monde [6]. Les adultes, qui ont souvent une plus grande capacité à agir sur l’environnement social que les adolescents, devraient s’efforcer de donner à ces derniers plus d’opportunités d’action pour favoriser chez eux une bonne croissance cérébrale.

Que peuvent faire les enseignants pour améliorer les conditions d’apprentissage de leurs élèves adolescents?

Le cerveau adolescent étant très malléable, il est important qu’enseignants et parents favorisent son bon développement. L’une des méthodes les plus efficaces pour cela est l’enrichissement des conditions de l’apprentissage scolaire. On sait qu’à l’adolescence, la faculté à comprendre des sujets de plus en plus complexes se développe. Si on permet aux adolescents de comprendre ce qui se passe dans leur cerveau, ils pourront donc s’investir davantage dans leur propre développement. Pour cela, on peut par exemple inclure dans l’enseignement des sujets qui les concernent particulièrement comme la prise de décisions, les drogues, la résolution des conflits ou les choix pédagogiques. Nous te présentons ci-dessous quelques autres méthodes d’optimisation de l’environnement d’apprentissage scolaire. N’hésite pas à les partager avec tes enseignants !

Mettre en œuvre un apprentissage plus collaboratif et des méthodes plus variées

Plutôt que d’ignorer la forte motivation qu’ont les adolescents à socialiser, les enseignants peuvent s’en servir en encourageant les discussions de groupe et l’engagement social de leurs élèves. Ils peuvent également leur demander leur avis sur certaines activités scolaires afin de les aider à s’intéresser et à s’impliquer davantage dans les conditions de leur apprentissage. Autre possibilité : créer des systèmes de mentorat où des élèves des classes supérieures viennent aider leurs camarades plus jeunes à acquérir de nouvelles compétences, ainsi qu’à considérer celles-ci sous un autre point de vue, des élèves de classes différentes apportant des compétences différentes à une discussion ou à un projet.

Modifier l’aménagement de la classe

Visualise l’aménagement de ta classe : comment les tables et les chaises sont-elles disposées ? En rangs stricts ou en petits cercles ? Le fait d’être assis en rangs parallèles et de ne voir ses camarades que de dos ou de côté peut donner aux élèves un sentiment d’isolement. Pour faciliter la collaboration ainsi que l’apprentissage, pourquoi ne pas disposer les tables et les chaises différemment ? Tu pourrais demander à tes professeurs s’ils accepteraient une nouvelle disposition des tables, en petits cercles par exemple. Outre le fait que cela irait dans le sens de la motivation sociale typique de l’adolescence, cela pourrait résoudre l’anxiété sociale de certains en facilitant la communication entre élèves.

Promouvoir l’indépendance

Les enseignants peuvent encourager l’indépendance en classe en permettant aux élèves de prendre des initiatives, comme proposer une partie du programme ou définir les grandes lignes d’un projet donné. Donner aux élèves l’occasion d’explorer ce qui les intéresse facilite l’apprentissage. Et leur permettre de définir eux-mêmes leur méthode de travail et de résoudre les difficultés en collaborant entre eux les prépare mieux à relever de nouveaux défis et à réussir dans les situations difficiles.

Interagir avec la communauté

L’environnement scolaire est généralement très artificiel et très structuré. C’est pourquoi il est utile d’encourager les élèves à collaborer avec le monde extérieur. Des excursions sur le terrain peuvent par exemple leur donner l’occasion d’appliquer concrètement certaines choses qu’ils ont apprises en classe. Ce genre d’activité nourrit également la sensibilité accrue des adolescents à leur environnement social.

Pour conclure, qu’est-ce que cela signifie pour toi?

L’adolescence est une période de croissance, de développement et d’apprentissage rapides. Tes camarades et toi, vous pouvez la mettre à profit pour influer consciemment sur votre développement cérébral et renforcer certains schémas d’activité cérébrale en adoptant certains types de comportements. Un des moyens pour y arriver consiste à mieux comprendre ce qui se passe dans ton cerveau – comme tu viens de le faire en lisant cet article. Impressionnant, n’est-ce pas?

Contribution des auteurs

KM a élaboré l’ébauche de cet article, avant de le rédiger à quatre mains avec JA.

Glossaire

Impressionnant: Ce qui inspire l’admiration, l’appréhension ou la peur.

Imagerie par résonance magnétique (IRM): L’IRM est une technique qui consiste à scanner des parties du corps, le cerveau par exemple, pour le photographier de l’intérieur.

Télencéphale: C’est la partie antérieure du cerveau qui est impliquée dans les pensées, les décisions, les émotions et le caractère.

Neurone: Cellule nerveuse.

Cortex: C’est la couche externe (l’écorce) du télencéphale, qui se compose de matière grise.

Axones: Ce sont des parties fines et allongées d’un neurone, qui transmettent les signaux d’une extrémité à l’autre du neurone.

Choix intertemporel: Il s’agit de la préférence d’un individu soit pour une petite récompense disponible immédiatement, soit pour une récompense plus importante, mais liée à un délai d’attente.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent que les travaux de recherche ont été menés en l’absence de toute relation commerciale ou financière pouvant être interprétée comme un potentiel conflit d’intérêts.

Remerciements

Les auteurs remercient infiniment tous ceux qui ont relu et édité cet article pour leurs commentaires intéressants et leurs suggestions pertinentes. KM remercie Celilo Mitchell et Jerome Mitchell pour leur inspiration. Ils remercient en outre tous ceux qui ont contribué à la traduction des articles de cette collection afin de les rendre accessibles et compréhensibles aux enfants des pays non anglo-saxons, ainsi qu’à la Fondation Jacobs pour avoir octroyé les fonds nécessaires pour cette traduction.

Déclaration d’utilisation des outils d’IA

Tout texte alternatif fourni avec les figures de cet article a été généré par Frontiers grâce à l’intelligence artificielle. Des efforts raisonnables ont été déployés pour garantir son exactitude, notamment par une relecture par les auteurs lorsque cela était possible. Si vous constatez des problémes, veuillez nous contacter.


Références

[1] Mills, K. L., Goddings, A. L., Herting, M. M., Meuwese, R., Blakemore, S. J., Crone, E. A., et al. 2016. Structural brain development between childhood and adulthood: convergence across four longitudinal samples. Neuroimage 141:273–81. doi: 10.1016/j.neuroimage.2016.07.044

[2] Tamnes, C. K., Herting, M. M., Goddings, A. L., Meuwese, R., Blakemore, S. J., Dahl, R. E., et al. 2017. Development of the cerebral cortex across adolescence: a multisample study of inter-related longitudinal changes in cortical volume, surface area, and thickness. J. Neurosci. 37, 3402–12

[3] Anandakumar, J., Mills, K. L., Earl, E. A., Irwin, L., Miranda-Dominguez, O., Demeter, D. V., et al. 2018. Individual differences in functional brain connectivity predict temporal discounting preference in the transition to adolescence. Dev. Cogn. Neurosci. 34:101–13. doi: 10.1016/j.dcn.2018.07.003

[4] Stevenson, C. E., Kleibeuker, S. W., de Dreu, C. K. W., and Crone, E. A. 2014. Training creative cognition: adolescence as a flexible period for improving creativity. Front. Hum. Neurosci. 8:827. doi: 10.3389/fnhum.2014.00827

[5] Telzer, E. H. 2016. Dopaminergic reward sensitivity can promote adolescent health: a new perspective on the mechanism of ventral striatum activation. Dev. Cogn. Neurosci. 17:57–67. doi: 10.1016/j.dcn.2015.10.010

[6] Sherrod, L. 2007. “Civic engagement as an expression of positive youth development,” in Approaches to Positive Youth Development, eds R. K. Silbereisen and R. M. Lerner (London: SAGE Publications Ltd), 59–74. doi: 10.4135/9781446213803