Concept de base Neuroscience et psychologie Publié le 11 novembre 2025

Ton cerveau pendant la puberté

Résumé

La puberté est une étape normale dans la vie qui diffère d’une personne à une autre. Chez certains adolescents, elle est précoce et chez d’autres, elle est tardive. C’est pourquoi les enfants d’un même âge peuvent avoir l’air si différents les uns des autres : leur corps grandit à un rythme différent. Par ailleurs, les chercheurs ont constaté que la puberté transforme l’organisme humain et son cerveau. Cela s’explique par le fait qu’elle entraîne des changements hormonaux liés aux cellules cérébrales, lesquels changements influencent la manière dont le cerveau grandit et apprend. Ces changements sont nécessaires puisqu’ils préparent le cerveau à de nouvelles formes d’apprentissage. Ils peuvent également t’amener à prendre des décisions qui ne s’avèrent pas être une bonne idée. Dans cet article, nous présentons les impacts de la puberté sur le cerveau et l’importance des changements cérébraux dans la vie adulte.

Qu’est-ce que la puberté et que sont les hormones ?

La puberté, qui commence au début de l’adolescence, correspond à une étape normale dans la croissance d’un individu. Lorsque tu penses à la puberté, tu as peut-être en tête, parmi d’autres changements corporels parfois gênants, les boutons, les odeurs corporelles et la pousse des poils, mais sais-tu ce qui dans ton corps, provoque ces changements ? En effet, le cerveau signale à l’organisme d’enclencher la puberté en lui transmettant des messages sous forme d’hormones. Les hormones sont des petites molécules fabriquées par l’organisme qui se déplacent dans différentes parties du corps et dans le cerveau en passant par le sang. Elles sont importantes pour la transmission des messages dans tout l’organisme et facilitent la communication entre les organes. Lorsqu’une hormone atteint sa destination, elle s’attache à un récepteur sur, ou dans une cellule (voir Figure 1), ce qui déclenche une réaction dans la cellule concernée qui peut influencer son comportement et même sa survie. La réaction de la cellule dépend de sa nature et du type d’hormone.

Diagramme illustrant la structure d'un neurone avec ses parties légendées : dendrites, axone et extrémité de l'axone d'un autre neurone. L'axone est entouré de nuance bleuâtre representant la myéline. Un encart détaille l'interaction hormone-récepteur, montrant des récepteurs se liant à des hormones.
  • Figure 1 - Cellule cérébrale et ses différentes parties.
  • L’encadré représente une vue en zoom de la manière dont les hormones peuvent s’attacher aux récepteurs dans ou sur la cellule. La myéline en bleu est une couche de protection qui entoure l’axone et permet aux signaux de voyager plus rapidement. End of axon of other brain cell = fin de l’axone d’une autre cellule cérébrale.

Les hormones sont très importantes dans le lancement du processus de la puberté. En effet, la puberté commence lorsque le cerveau signale au corps qu’il doit produire davantage certaines hormones. La Figure 2 explique ce fonctionnement.

Organigramme illustrant la voie hormonale de l'hypothalamus à la production d'hormones sexuelles. L'hypothalamus libère de la GnRH, stimulant l'hypophyse à produire de la LH et de la FSH. Ces hormones agissent ensuite sur les organes sexuels, entraînant la production de testostérone chez les garçons et d'œstradiol chez les filles.
  • Figure 2 - Cette figure montre comment un signal cérébral augmente les hormones de la puberté.
  • Ce signal part de la région cérébrale appelée hypothalamus. Cette région fabrique une hormone appelée GnRH qui voyage jusqu’à l’hypophyse (pituitary gland), petit organe situé au fond du cerveau. D’autres hormones (LH et FSH) sont fabriquées au niveau de l’hypophyse. Ces hormones voyagent jusqu’aux organes génitaux (sex organs or gonads, les testicules chez les garçons et les ovaires chez les filles), qui fabriquent la testostérone et l’œstradiol.

La testostérone et l’œstradiol sont deux hormones essentielles qui sont responsables des changements corporels liés à la puberté. Les niveaux de testostérone augmentent surtout chez les garçons, tandis que l’œstradiol est plus important chez les filles. La testostérone peut par exemple voyager jusqu’aux cellules ciliées et entraîner l’apparition de poils plus foncés ou plus épais, la pilosité sous les aisselles ou sur le visage. L’œstradiol quant à lui, joue un rôle fondamental dans le développement des seins chez les filles. La testostérone et l’œstradiol sont aussi nécessaires pour la fécondité, rendant possible la procréation.

L’âge auquel tout ce processus se déroule varie considérablement d’un individu à un autre. En moyenne, les filles ont tendance à connaître la puberté à partir de 10 ans, alors que cette dernière commence chez les garçons un an plus tard. Les différences observées chez les individus sont basées sur les gènes et en partie sur les expériences vécues pendant l’enfance. Par exemple, les enfants qui ont été soumis à beaucoup de stress ont tendance à connaître la puberté un peu plus tôt.

Les hormones peuvent modifier l’organisation du cerveau et le comportement des cellules cérébrales

Les hormones comme la testostérone et l’œstradiol peuvent se fixer aux cellules cérébrales. Une cellule cérébrale est différente des cellules des autres parties de l’organisme : elle est constituée d’un corps cellulaire et de parties qui ressemblent aux fibres décollées (voir Figure 1). Elle comporte généralement plusieurs « fibres » courtes appelées dendrites qui permettent de recevoir les signaux d’autres cellules. Ces cellules disposent aussi d’une « fibre » appelée l’axone qui envoie des signaux aux autres cellules.

Les hormones peuvent influencer les cellules cérébrales de deux manières [1].

Tout d’abord, les hormones peuvent influencer la manière dont le cerveau est organisé, même si cela nécessite un peu de temps pour se produire. Les changements observés dans l’organisation du cerveau concernent notamment le nombre de ses cellules ou des changements liés à la taille et à la forme des dendrites et des axones. La testostérone, par exemple, entraîne le développement de nouvelles cellules dans une région cérébrale : l’amygdale interne. Étant donné que les garçons produisent plus de testostérone pendant la puberté, cette région est plus grande chez eux que chez les filles [2]. Cette observation a été faite au cours d’une étude menée chez les animaux; toutefois, les recherches sur les humains qui se sont concentrées sur les niveaux des hormones et la taille de l’amygdale révèlent que cette dernière fonctionne de la même manière chez les êtres humains.

Les hormones peuvent aussi influencer la manière dont les cellules cérébrales sont activées face à certaines situations ou à l’environnement. Elles peuvent faciliter ou empêcher la communication entre les différentes cellules. Cela peut également entraîner des changements à long terme dans les cellules cérébrales. Par exemple, les niveaux de testostérone chez les souris (et les humains) augmentent au cours d’une compétition ou d’un combat. Une étude a démontré que les souris qui gagnent un combat développent plus de récepteurs pour la testostérone dans les régions cérébrales qui sont importantes pour la récompense et le comportement social [3]. Ces nouveaux récepteurs peuvent également changer le comportement de la souris au prochain combat. Cela met en avant un processus où les expériences telles que la victoire s’allient aux hormones pour le développement du cerveau. Ce processus est particulièrement important pendant la puberté, lorsque les niveaux des hormones sont plus élevés que pendant l’enfance et lorsque le cerveau est en pleine croissance.

Nous ignorons encore beaucoup de choses quant à la manière dont les hormones influencent l’organisation et les actions des cellules cérébrales chez les humains. Mais nous savons que ces effets sont différents dans une certaine mesure entre les garçons et les filles et entre les différentes régions cérébrales. Les chercheurs commencent tout juste à réfléchir à la manière dont les changements liés aux hormones du cerveau sont importants pour le comportement et plusieurs questions restent donc sans réponses pour le moment.

La puberté peut rendre l’apprentissage de certaines choses plus difficile, et d’autres plus facile

Les enfants apprennent plus facilement certaines choses par rapport aux adolescents et aux adultes. Par exemple, les plus petits sont particulièrement forts dans l’apprentissage de nouvelles langues. Il est assez difficile d’apprendre une deuxième langue après l’âge de 9 à 11 ans. Cette difficulté est probablement due aux changements observés dans la manière dont le cerveau traite le langage et les autres informations linguistiques. Une étude s’est penchée sur le rôle de la puberté dans ces changements. Les chercheurs ont fait écouter aux enfants une langue « étrangère » imaginaire et ont examiné la manière dont leurs cerveaux essayaient de la comprendre [4]. L’activité dans plusieurs régions cérébrales importantes pour la langue changeait au fur et à mesure que les enfants grandissaient. Elle était aussi moins dense dans certaines régions cérébrales liées à la langue chez les enfants dont la puberté était plus avancée. Ceci pourrait être la preuve du rôle de la puberté dans les changements cérébraux liés aux langues.

Par ailleurs, elle facilite d’autres types d’apprentissage. Elle permet de mieux se connaître et de découvrir les compétences sociales et émotionnelles qui préparent les adolescents à l’âge adulte. Le cerveau change pendant l’adolescence et favorise plusieurs types d’apprentissage. À titre d’exemple, la rétroaction, à travers laquelle ton cerveau traite les informations pour t’indiquer si tu as trouvé la bonne réponse ou non, est une étape importante dans l’apprentissage de nouvelles compétences. Une étude sur plus de 200 enfants, adolescents et adultes a étudié la manière dont le cerveau réagit face à l’apprentissage à travers la rétroaction. La manière dont les individus apprennent à travers la rétroaction est liée à l’activation des différentes parties du striatum, principale région cérébrale de l’apprentissage. Certaines parties du striatum étaient plus actives chez les adolescents que chez les enfants ou les adultes; ce qui démontre que les individus apprennent différemment à travers la rétroaction pendant leur adolescence [5].

Explorer de nouveaux domaines et prendre des risques comme parler de soi, tester des activités dans lesquelles tu n’es pas forcément doué ou oser parler à la personne pour laquelle tu as craqué sont également des compétences importantes dans l’apprentissage de nouvelles connaissances. Décider de prendre un risque peut être plus facile si tu espères gagner quelque chose, comme une récompense. Les scientifiques ont constaté qu’une partie du striatum s’active aussi lorsqu’une personne reçoit des récompenses, notamment la nourriture et l’argent. Une étude portant sur des individus âgés de 8 à 27 ans a été menée sur cette zone cérébrale. Selon les chercheurs, les enfants dont la puberté était avancée et les personnes avec un taux de testostérone élevé ont montré plus d’activation dans cette partie du striatum devant une récompense. Ceci pourrait démontrer l’importance des hormones dans la sensibilité accrue du cerveau aux récompenses pendant la puberté [6].

Ces différentes études démontrent que la manière dont le cerveau réagit à la rétroaction et aux récompenses change pendant la puberté. Cela encourage les adolescents à en apprendre plus sur eux-mêmes et sur les autres et favorise la découverte de soi ainsi que le développement personnel. Il convient de noter que ces changements cérébraux peuvent aussi être liés au fait que certains problèmes de santé mentale et la toxicomanie ont tendance à se développer à l’adolescence. À titre illustratif, si les adolescents sont plus sensibles aux récompenses, ils le sont aussi face à l’envie de prendre de l’alcool ou de la drogue. En outre, les enfants qui atteignent la puberté à un âge précoce ou plus rapidement que leurs semblables peuvent connaître des problèmes de santé mentale qui, selon les chercheurs, sont partiellement dus à l’impact néfaste de certaines hormones sur le cerveau, mais davantage de recherches doivent être menées pour vérifier cette hypothèse. La majorité des enfants atteignent la puberté sans connaître de problèmes de santé mentale et les chercheurs cherchent des méthodes pour améliorer encore cette proportion.

Conclusion

La puberté est une période marquée par de grands changements qui peuvent parfois être difficiles, troublants ou bouleversants. Certains de ces changements sont causés par les hormones qui agissent sur les cellules de l’organisme et du cerveau. Les hormones peuvent influencer le cerveau à long terme en changeant son organisation ou ses réactions face à certaines situations. Ces changements sont importants car ils ouvrent à des méthodes d’apprentissage qui préparent les adolescents à l’âge adulte, même s’ils ferment la porte à d’autres techniques d’apprentissage utilisées pendant l’enfance. Les écoles peuvent exploiter ces changements cérébraux en créant des conditions idéales permettant par exemple aux élèves d’explorer de nouveaux domaines et de prendre des risques. Lire et compter ne sont pas les seules choses à apprendre : savoir prendre des décisions nous permettant de mieux nous comprendre et de mieux comprendre les autres constitue un nouveau type d’apprentissage auquel le cerveau peut particulièrement être sensible pendant la puberté.

Glossaire

Hormones: Ce sont des petits messagers qui parviennent aux différentes parties de l’organisme en passant par le sang. La testostérone et l’œstradiol constituent deux hormones essentielles pour la puberté.

Récepteur: Il s’agit d’une structure sur ou dans une cellule permettant aux hormones ou à d’autres messagers de s’accrocher.

Dendrite: Elle désigne la partie du cerveau qui reçoit des signaux des autres cellules.

Axone: Il désigne la partie du cerveau qui envoie des signaux aux autres cellules.

Amygdale: C’est une petite région située presqu’au fond du cerveau qui stimule les émotions comme la peur.

Striatum: C’est une région au centre du cerveau qui traite des récompenses et de la rétroaction. Elle est appelée striatum étant donné que ses différents types de tissus lui donnent une forme striée.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent que les travaux de recherche ont été menés en l’absence de toute relation commerciale ou financière pouvant être interprétée comme un potentiel conflit d’intérêts.

Remerciements

TC a été soutenu par le Centre national pour l’avancement des sciences translationnelles de l’Institut national de santé publique sous le numéro TL1TR002371. Le contenu du présent article est exclusivement de la responsabilité de ses différents auteurs et ne représente pas nécessairement le point de vue officiel de l’Institut national de santé publique. Les auteurs remercient infiniment tous ceux qui ont contribué à la traduction des articles de cette Collection afin de les rendre accessibles et compréhensibles aux enfants des pays non anglo-saxons et la Fondation Jacobs pour avoir octroyé les fonds nécessaires pour cette traduction.

Déclaration d’utilisation des outils d’IA

Tout texte alternatif fourni avec les figures de cet article a été généré par Frontiers grâce à l’intelligence artificielle. Des efforts raisonnables ont été déployés pour garantir son exactitude, notamment par une relecture par les auteurs lorsque cela était possible. Si vous constatez des problémes, veuillez nous contacter.


Références

[1] Schulz, K. M., Molenda-Figueira, H. A., and Sisk, C. L. 2009. Back to the future: the organizational-activational hypothesis adapted to puberty and adolescence. Horm. Behav. 55:597–604. doi: 10.1016/j.yhbeh.2009.03.010

[2] Ahmed, E. I., Zehr, J. L., Schulz, K. M., Lorenz, B. H., DonCarlos, L. L., and Sisk, C. L. 2008. Pubertal hormones modulate the addition of new cells to sexually dimorphic brain regions. Nat. Neurosci. 11:995–7. doi: 10.1038/nn.2178

[3] Fuxjager, M. J., Forbes-Lorman, R. M., Coss, D. J., Auger, C. J., Auger, A. P., and Marler, C. A. 2010. Winning territorial disputes selectively enhances androgen sensitivity in neural pathways related to motivation and social aggression. Proc. Natl. Acad. Sci. U. S. A. 107:12393–8. doi: 10.1073/pnas.1001394107

[4] McNealy, K., Mazziotta, J. C., and Dapretto, M. 2011. Age and experience shape developmental changes in the neural basis of language-related learning. Dev. Sci. 14:1261–82. doi: 10.1111/j.1467-7687.2011.01075.x

[5] Peters, S., and Crone, E. A. 2017. Increased striatal activity in adolescence benefits learning. Nat. Commun. 8:1983. doi: 10.1038/s41467-017-02174-z

[6] Braams, B. R., van Duijvenvoorde, A. C. K., Peper, J. S., and Crone, E. A. 2015. Longitudinal changes in adolescent risk-taking: a comprehensive study of neural responses to rewards, pubertal development, and risk-taking behavior. J. Neurosci. 35:7226–38. doi: 10.1523/JNEUROSCI.4764-14.2015