Concept de base Neuroscience et psychologie Publié le 22 décembre 2025

Utiliser la lumière pour comprendre le fonctionnement du cerveau en classe

Résumé

Sais-tu qu’il est possible d’étudier le cerveau en classe ? On pense généralement que ce n’est possible qu’en laboratoire, à l’aide de grands appareils sophistiqués. L’imagerie spectroscopique proche infrarouge fonctionnelle (ISPIf), nouvelle technique qui utilise la lumière pour contrôler l’intensité de l’activité cérébrale, a de nombreux avantages, notamment d’être particulièrement adaptée à l’observation du cerveau des bébés et des enfants. C’est aussi l’une des meilleures techniques pour étudier les fonctions cérébrales du quotidien dans des situations réelles, par exemple en classe ou pendant une conversation. Cependant, de même que les autres techniques de mesure cérébrale, elle a certaines limites. Dans le présent article, nous te présentons le fonctionnement et l’utilisation de l’ISPIf, ses avantages et ses limites. Et tu verras que lorsqu’elle est utilisée en neurosciences éducatives, elle peut aider les scientifiques à comprendre comment les enfants apprennent !

Qu’est-ce que la spectroscopie proche infrarouge fonctionnelle (ISPIf) ?

L’imagerie spectroscopique, également appelée spectroscopie proche infrarouge fonctionnelle (ISPIf), nouvelle technique grâce à laquelle les chercheurs peuvent facilement observer le fonctionnement cérébral (Figure 1A), emploie un type de lumière particulier: la lumière proche infrarouge. Celle-ci est particulière en ce sens qu’elle peut traverser la peau, les os et le cerveau. Elle est envoyée dans le cerveau par une source (des diodes luminescentes dessinées en rouge dans la Figure 1B) puis recueillie par un détecteur au moment où elle ressort (en bleu dans la Figure 1B). La différence entre la quantité de lumière émise et la quantité recueillie permet de connaître le degré d’activité du cerveau. Mais qu’est-ce qui explique cette différence entre lumière émise et lumière recueillie ? Une partie de cette lumière se serait-elle perdue en traversant le cerveau ?

Diagramme et photo illustrant des techniques d'imagerie cérébrale. A : Vue latérale d'une personne avec de la lumière dirigée vers le cerveau. B : Vue latérale montrant un cerveau avec des sources de lumière et des détecteurs, indiquant le trajet de la lumière. C : Un enfant portant un bonnet avec des capteurs, possiblement pour la surveillance cérébrale.
  • Figure 1 - (A) L’ISPIf utilise la lumière pour observer les fonctions cérébrales.
  • (B) Sources (en rouge) et détecteurs (en bleu) de lumière dans une ISPIf. La lumière passant à travers le cerveau est représentée sous forme de petites bananes jaunes. (C) Casque d’ISPIf sur la tête d’un bébé.

Pour répondre à ces questions, il faut connaître le fonctionnement cérébral. Le cerveau fonctionne grâce à l’oxygène que lui fournit le sang. Quand le cerveau est actif, le flux sanguin augmente et l’oxygène davantage. Or, le sang absorbe la lumière proche infrarouge: c’est pourquoi, quand on envoie cette lumière dans un cerveau en activité, elle a diminué en quantité à la sortie, ayant été partiellement absorbée par le sang. Autrement dit, plus la quantité de lumière absorbée est grande, plus cela indique une activité cérébrale intense.

Avantages, usages et limites de L’ISPIf

L’ISPIf offre de nombreux avantages:

• Elle permet d’examiner des personnes assises ou debout.

• Elle est portative et peut être utilisée presque partout.

• Elle est facile et rapide à mettre en place (quelques minutes seulement).

• Elle est bon marché.

• Elle mesure les fonctions cérébrales plusieurs fois par seconde.

• Elle est silencieuse et indolore.

• Elle peut être utilisée conjointement avec d’autres techniques de mesure cérébrale.

• Elle tolère les mouvements corporels comme ceux qu’entraîne le fait de parler, d’écrire ou de marcher.

Grâce à ces avantages, on peut utiliser l’ISPIf dans de nombreuses situations (Figure 2). D’une part, elle permet d’examiner le cerveau en milieu naturel, dans des situations de la vie quotidienne, plutôt qu’au laboratoire. En effet, certains dispositifs sont suffisamment petits pour pouvoir être transportés partout où l’étude doit être réalisée. De plus, les personnes n’ont pas besoin de rester couchées pendant l’examen. Elles peuvent être assises à un bureau et faire leurs devoirs ou travailler sur ordinateur. L’ISPIf permet d’analyser des activités mentales plus complexes que d’autres techniques d’étude du cerveau qui ne peuvent analyser que des tâches à choix multiple. Par ailleurs, l’ISPIf étant confortable pour la personne examinée, elle peut être utilisée pour étudier le cerveau de bébés et d’enfants (Figure 1C), chose impossible avec d’autres techniques de mesure cérébrale, les jeunes enfants bougeant beaucoup. Enfin, il est possible d’observer les fonctions cérébrales longtemps (jusqu’à une heure), et sur plusieurs personnes à la fois. Tous ces atouts font de l’ISPIf une technique très utile pour étudier le cerveau en situation, ainsi que chez des personnes pour qui les autres techniques ne fonctionneraient pas.

Une photographie centrale représente un adulte et un bébé portant des bonnets EEG, possiblement dans le cadre d'une étude scientifique. Autour de la photographie figurent des nuages illustrés, agrémentés de diverses images de dessins animés : une personne mangeant, des visages de profil, une danseuse de ballet et une personne jouant de la guitare.
  • Figure 2 - L’ISPIf peut être utilisée dans de nombreuses situations de la vie courante, notamment quand on mange, quand on discute, quand on danse ou quand on joue de la musique.
  • Elle permet également de voir l’activité cérébrale chez une femme et son bébé lorsqu’ils communiquent.

Mais l’ISPIf n’a pas que des avantages, et il faut aussi être conscient de ses limites. Premièrement, cette technique mesure environ 3 cm du cerveau à la fois. Or, pour cet organe comprenant des zones de très petite taille, c’est beaucoup. Les mesures effectuées par l’ISPIf peuvent donc englober des parties cérébrales assurant d’autres fonctions que celles que l’on souhaite observer, et être par conséquent moins précises que celles qu’on aurait obtenues avec d’autres techniques [1]. De plus, l’ISPIf ne peut mesurer que l’activation de régions situées à environ 1,5 à 2 cm de la surface du cerveau. Elle ne peut donc pas servir à mesurer des fonctions localisées à l’intérieur du cerveau. Ensuite, l’ISPIf fournit des informations sur les fonctions du cerveau et non sur ses structures [1]. Cela signifie qu’elle permet de mieux comprendre comment le cerveau fonctionne, mais pas à quoi il ressemble. Par ailleurs, étant donné que l’ISPIf mesure la quantité de sang, elle est sensible au rythme cardiaque, à la pression artérielle et aux veines présentes dans la peau de la personne examinée, avec pour conséquence que certaines modifications indépendantes du cerveau peuvent se confondre avec les mesures des fonctions cérébrales. Enfin, l’ISPIf étant une technique très récente, tous les scientifiques n’analysent pas les données de la même manière. L’analyse des données est un procédé qui consiste à combiner et à transformer les données cérébrales collectées auprès de différentes personnes pour les rendre compréhensibles pour tout le monde. Pour récapituler, disons que les scientifiques qui souhaitent utiliser l’ISPIf pour mesurer le fonctionnement cérébral doivent prendre en compte non seulement ses atouts, mais aussi ses limites.

ISPIF: comment se passe l’examen et comment utilise-t-on les données qu’il fournit ?

Selon l’étude et la question de recherche, les participants peuvent être examinés soit individuellement, soit en groupe. Réaliser une ISPIf passe par plusieurs étapes: premièrement, on mesure la tête de la personne pour déterminer certains points importants, notamment son centre, ce qui permet d’identifier la partie du cerveau mesurée par chaque capteur. Deuxièmement, on fixe les sources lumineuses et les détecteurs sur la tête de la personne à l’aide d’une sorte de cagoule élastique. Troisièmement, on demande au sujet examiné de réaliser une tâche pendant que ses fonctions cérébrales sont mesurées par l’ISPIf (Figure 3) (la tâche à effectuer peut être n’importe quoi, un exercice de mathématiques ou autre chose). Quatrièmement, une fois que la personne a effectué la tâche, on éteint le dispositif et on lui retire la cagoule, ce qui marque la fin de l’expérimentation.

Une personne aux cheveux longs est reliée à une machine par des câbles, écrivant « 13 × 7 = » sur un tableau blanc. La machine ressemble à une imprimante. L'image suggère un concept d'assistance computationnelle externe.
  • Figure 3 - Tandis qu’une jeune fille résout un problème de mathématiques, un dispositif d’ISPIf enregistre ses fonctions cérébrales.

L’expérience est généralement répétée sur un certain nombre de participants (environ 40 enfants) avant que l’on puisse analyser les données recueillies. Mais qu’est-ce qu’ « analyser les données » signifie au juste ? Supposons que notre question de recherche soit: « Quelles sont les parties du cerveau activées quand on fait un calcul ? » Pour y répondre, on va mesurer le fonctionnement cérébral dans deux situations distinctes: une où les personnes examinées sont en train de résoudre des problèmes mathématiques, et une autre où elles se reposent. Ensuite, toutes les données des participants sont combinées et analysées par un logiciel. L’équipe scientifique calcule alors le niveau de l’activation cérébrale pendant que les sujets faisaient d’une part des calculs et d’autre part se reposaient, puis compare ces niveaux. On constate alors une grande différence d’activation entre les phases de calcul et les phases de repos, mais seulement dans certaines régions du cerveau et pas dans d’autres. On peut alors en conclure que les zones cérébrales qui présentent une forte différence entre calcul et repos sont celles qui jouent un rôle important dans les mathématiques.

Conclusion

L’ISPIf est une technique qui permet de mesurer le fonctionnement cérébral, y compris chez des groupes de populations spécifiques comme les bébés et les enfants [2], ainsi que dans des situations réelles telles que dans une salle de classe [3]. Ces particularités rendent cette technique particulièrement précieuse pour les recherches en neurosciences éducatives [4], qui en utilisent les résultats pour perfectionner l’enseignement à l’école. La plupart des techniques d’imagerie cérébrale conviennent aux adultes, mais présentent des limites quand il s’agit d’étudier des enfants, raison pour laquelle on ne sait pas encore grand-chose sur la manière dont le cerveau évolue entre la naissance et l’âge adulte. Mais heureusement, l’ISPIf contribue désormais à combler cette lacune en nous permettant d’observer les changements cérébraux et les processus d’apprentissage chez l’enfant [5, 6]. Nous espérons que son usage dans les neurosciences éducatives permettra un jour de comprendre comment les enfants apprennent à lire, à écrire et à calculer.

Glossaire

Spectroscopie Proche Infrarouge Fonctionnelle (ISPIf): Nouvelle technique qui aide les scientifiques à observer aisément le fonctionnement cérébral d’une personne grâce à un type de lumière spécifique appelée lumière proche infrarouge.

Lumière Proche Infrarouge: Type de lumière spécifique capable de traverser la peau, les os et le cerveau, et qui permet d’évaluer l’activité cérébrale.

Neurosciences Éducatives: Domaine de l’étude du cerveau qui vise à améliorer l’enseignement à l’école.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent que les travaux de recherche ont été menés en l’absence de toute relation commerciale ou financière pouvant être interprétée comme un potentiel conflit d’intérêts.

Remerciements

Nous remercions Bahar Rad, un artiste de 16 ans, pour les illustrations des figures, Merle Bode pour avoir édité ces figures et Zoë Kirste pour la révision linguistique. Nous exprimons notre gratitude à l’égard de Megan et Warren pour nous avoir permis d’utiliser les photos de leur participation à une étude sur l’ISPIf. Nous remercions aussi tous ceux qui ont contribué à la traduction des articles de cette collection afin de les rendre accessibles et compréhensibles aux enfants des pays non anglo-saxons, ainsi qu’à la Fondation Jacobs pour avoir octroyé les fonds nécessaires à cette traduction.

Déclaration d’utilisation des outils d’IA

Tout texte alternatif fourni avec les figures de cet article a été généré par Frontiers grâce à l’intelligence artificielle. Des efforts raisonnables ont été déployés pour garantir son exactitude, notamment par une relecture par les auteurs lorsque cela était possible. Si vous constatez des problémes, veuillez nous contacter.


Références

[1] Hoyos, P., Kim, N., and Kastner, S. 2019. How is magnetic resonance imaging used to learn about the brain? Front. Young Minds 7:86. doi: 10.3389/frym.2019.00086

[2] Edwards, L. A., Wagner, J. B., Simon, C. E., and Hyde, D. C. 2016. Functional brain organization for number processing in pre-verbal infants. Dev. Sci. 19:757–69. doi: 10.1111/desc.12333

[3] Obersteiner, A., Dresler, T., Reiss, K., Vogel, A. C. M., Pekrun, R., and Fallgatter, A. J. 2010. Bringing brain imaging to the school to assess arithmetic problem solving: chances and limitations in combining educational and neuroscientific research. ZDM 42:541–54. doi: 10.1007/s11858-010-0256-7

[4] Soltanlou, M., Sitnikova, M. A., Nuerk, H.-C., and Dresler, T. 2018. Applications of functional near-Infrared spectroscopy (fNIRS) in studying cognitive development: the case of mathematics and language. Front. Psychol. 9:277. doi: 10.3389/fpsyg.2018.00277

[5] Artemenko, C., Soltanlou, M., Ehlis, A.-C., Nuerk, H.-C., and Dresler, T. 2018. The neural correlates of mental arithmetic in adolescents: a longitudinal fNIRS study. Behav. Brain Funct. 14:5. doi: 10.1186/s12993-018-0137-8

[6] Soltanlou, M., Artemenko, C., Ehlis, A.-C., Huber, S., Fallgatter, A. J., Dresler, T., et al. 2018. Reduction but no shift in brain activation after arithmetic learning in children: a simultaneous fNIRS-EEG study. Sci. Rep. 8:1707. doi: 10.1038/s41598-018-20007-x