Concept de base Biodiversité Publié le 4 octobre 2023

Même les super-héros ont parfois besoin d’aide : trois histoires incroyables sur la symbiose microbienne

Résumé

Que ce soit dans une ville surpeuplée, un désert isolé ou au fond de l’océan, des êtres vivants interagissent les uns avec les autres. Lorsqu’une interaction dure longtemps, on parle de symbiose. Ici, nous explorons trois exemples de symbiose avec de vrais super-héros ! Nous allons d’abord plonger dans l’océan pour rencontrer un calamar qui s’éclaire dans le noir comme une lampe de poche. Nous voyagerons ensuite dans les arbres d’Australie où tu rencontreras des super-héros amis des koalas qui les aident à digérer du poison. Enfin, prépare-toi à affronter un méchant qui menace les grenouilles du monde entier. Ce qui rend ces exemples si particuliers, c’est que les super-héros, comme le méchant, sont si petits que nous ne pouvons pas les voir sans microscope ! Pourtant, ces organismes, appelés « microbes », sont tout aussi importants que les animaux et les plantes que nous pouvons voir à l’œil nu.

Des super-héros, leurs associés et des êtres maléfiques

Imagine que tu veux écrire une bande dessinée de super-héros. Évidemment, tu as besoin d’un super-héros, la vedette du spectacle. Mais quoi d’autre ? Des innocents à sauver ? Un être diabolique qui les menace ? Que dirais-tu d’ajouter un associé qui prête main forte au super-héros ?

En biologie, les relations entre les super-héros et chacun de ces personnages (les associés, les personnes à sauver et les méchants) sont appelées « symbioses ». La vie sur Terre est pleine de symbioses de différentes sortes, nous pouvons les voir partout. Est-ce que tu en connais une ? Quand le super-héros et l’associé surveillent chacun les arrières de l’autre, le type de symbiose est appelé « mutualisme », qui est une façon élégante de dire « s’entraider ». Lorsque le super-héros aide quelqu’un en difficulté sans que cela ne lui soit ni profitable ni nuisible, ce type de symbiose s’appelle « commensalisme ». Lorsque les méchants font du mal aux autres dans leur propre intérêt, ce type de symbiose est appelé « parasitisme ».

Nous interagissons constamment avec d’autres organismes : nos familles, nos professeurs, nos amis et nos animaux de compagnie. Mais nous interagissons aussi avec des milliards d’êtres vivants invisibles, appelés « microbes », qui vivent à l’intérieur et à la surface de notre corps. Nous ne remarquons jamais la plupart de ces microbes, mais ils vivent sur toutes les surfaces qui nous entourent. Certains microbes nous facilitent la vie (nos associés, les mutualistes) tandis que d’autres peuvent nous rendre malades (des méchants, les parasites).

Nous allons maintenant te présenter nos trois super-héros et explorer leurs relations avec les microbes vivant autour d’eux (Figure 1). Le premier exemple décrit un mutualisme passionnant où les super héros et leurs associés font équipe pour faire de la lumière dans le noir. Ensuite, nous te donnerons un exemple de microbes vivant à l’intérieur d’un adorable animal australien, le koala. La plupart des microbes de l’intestin y habitent sans que personne ne les remarque jamais–un cas typique de commensalisme–mais dans notre exemple un petit microbe intestinal peut aider les koalas à digérer du poison ! Un dernier exemple, de parasitisme cette fois, va certainement te donner la chair de poule. Il s’agit d’un redoutable microbe qui circule dans l’eau douce et tue des grenouilles. Mais ne t’inquiète pas, car entre en scène un nouveau compère microscopique qui peut aider les grenouilles à vaincre cet être diabolique.

Figure 1 - Les symbioses chez trois super-héros.
  • Figure 1 - Les symbioses chez trois super-héros.
  • Ici, tu peux voir nos trois super-héros (un calamar, un koala et une grenouille) interagir avec leurs amis et ennemis microbiens (numérotés de 1 à 5). Les flèches bleues indiquent l’organisme qui bénéficie de la relation (commensalisme ou mutualisme) et la flèche rouge indique l’organisme qui en souffre (parasitisme). Lexique : Amphibian : amphibien ; squid : calamar ; tummy microbes : microbes intestinaux ; hurts : est nuisible ; benefits : est bénéfique.

As-tu peur du noir ? Les calamars aussi !

Aimerais-tu avoir une lampe de poche que tu pourrais allumer lorsque tu as peur dans le noir ? Le calamar hawaïen, Euprymna scolopes, en a une ! Enfin, ce n’est pas vraiment une lampe de poche. Le calamar a sur son ventre un organe qui abrite un microbe luminescent appelé « Vibrio fischeri » [1]. Le calamar peut dire au Vibrio dans cet organe de s’allumer, tout comme s’il pressait un bouton pour allumer une lampe de poche. Sais-tu pourquoi le calamar en a besoin ? Les scientifiques ont découvert que cela lui permet d’éviter de devenir un casse-croûte de minuit !

Lorsque le calamar allume sa lampe de poche intégrée, les grandes créatures marines affamées qui le convoitent depuis les profondeurs prennent sa lumière pour celle de la lune. Situées au-dessus du calamar et le regardant depuis en haut, elles ne voient que la lumière émise par le Vibrio, qui cache la silhouette du calamar. En brillant comme une lampe de poche, le Vibrio donne au calamar le pouvoir de devenir invisible ! Cette relation entre le calamar et le Vibrio lumineux est ce que les scientifiques appellent le mutualisme, une autre façon de dire que les deux sont copains et s’entraident. Le calamar a maintenant le pouvoir de se cacher des créatures effrayantes qui veulent le manger et le Vibrio dispose dans le ventre du calamar d’un endroit confortable où il est bien nourri.

Te demandes-tu comment le Vibrio est devenu l’associé du calamar ? Ils ne se connaissent pas dès la naissance, et le calamar doit trouver son ami parmi tous les microbes de l’eau de mer environnante. Il commence par en attraper plein dans un piège gluant spécial à l’extérieur de son ventre. Ce piège sert à empêcher les microbes qu’il ne connaît pas d’entrer dans l’organe lumineux. Mais le Vibrio, lui, peut s’échapper du piège et nager vers l’organe lumineux du calamar. Une fois installé, le Vibrio cache le calamar des prédateurs qui vivent dans les profondeurs marines.

Du poison pour le dîner ? Bien volontiers !

Manger la même chose toute ta vie ? Pas drôle ! Et un aliment toxique en plus ? Beurk ! Pourtant, c’est ce que font les koalas. Ils mangent chaque jour les feuilles d’un arbre appelé « Eucalyptus ». Les feuilles d’eucalyptus empoisonneraient la plupart des animaux, mais les koalas en raffolent ! Si ça, ce n’est pas un super-pouvoir ! Mais comment peuvent-ils survivre en mangeant des feuilles toxiques ? Eh bien, parmi les nombreux microbes qui vivent dans les intestins des koalas, certains travaillent très dur pour décomposer les parties toxiques des feuilles en petits morceaux qui ne sont plus dangereux et que les koalas peuvent digérer. Un de ces microbes s’appelle « Lonepinella koalarum », et il est un compagnon mutualiste important pour les koalas [2]. Les scientifiques ne connaissent pas encore très bien ces petits associés surpuissants, mais ils les étudient avec beaucoup de curiosité. Les nombreux autres microbes qui vivent dans l’intestin des koalas ne les aident et ne les dérangent pas–un exemple typique de commensalisme.

Les Lonepinella et d’autres microbes antipoison de l’intestin des koalas sont tellement importants pour leur survie que les maman koalas transmettent ces microbes à leurs bébés. Comment ? Les bébés mangent le caca de leur maman. Beuuuuuurk ! Eh oui, c’est dégoûtant, mais ça marche ! Lorsque le bébé koala, que les australiens appellent « joey », est encore très petit et vit dans la poche de sa mère, il en sort pour manger un caca spécial. Les scientifiques pensent que cela leur permet de récupérer de l’intestin de leur maman tous les microbes qui décomposent les toxines des feuilles d’eucalyptus. Ces microbes s’installent dans le ventre des jeunes koalas et se mettent à travailler !

Est-ce qu’un méchant rôde dans un étang près de chez toi ?

As-tu déjà eu une coupure qui s’est infectée ? Cela arrive lorsque certains microbes se développent et ne laissent pas la coupure cicatriser. Même si la plupart des microbes ne causent pas de problèmes aux animaux et aux plantes, certains d’entre eux agissent comme des méchants dans la nature. C’est le cas d’un microbe qui attaque la peau des amphibiens. Ce méchant microbe, également est connu sous le nom de Batrachochytrium dendrobatidis (abrégé « Bd »), nage dans les lacs et les ruisseaux jusqu’à ce qu’il trouve une grenouille ou une salamandre et s’attache à sa peau. Ceci est un exemple de parasitisme, car le méchant microbe, en se développant et en se reproduisant sur la peau des amphibiens, les rend malades. Les amphibiens respirent et absorbent des nutriments importants par la peau. Comme le Bd recouvre progressivement la peau de l’animal qu’il colonise, il l’affaiblit et le fait suffoquer. L’amphibien essaie de riposter en se débarrassant de sa peau et en libérant des substances dans la couche de mucus qui la recouvre, mais cela ne suffit pas toujours [3].

La maladie induite par le Bd a tué beaucoup d’amphibiens dans le monde entier, et la mort d’amphibiens nous affecte tous. Si toutes les grenouilles et les salamandres disparaissaient, la Terre serait en grande difficulté. Pour ne donner qu’un exemple parmi d’autres, les amphibiens mangent beaucoup d’insectes comme des moustiques, qui, au-delà de nous embêter avec des piqûres qui démangent, pourraient nous poser un vrai problème s’ils devenaient trop nombreux. Il est donc important que les scientifiques trouvent comment aider à sauver les amphibiens avant que le Bd ne fasse disparaître encore plus de grenouilles.

Recruter de nouveaux copains pour les batailles à venir

La recherche scientifique nous a aidé à en savoir plus sur les microbes qui peuvent agir comme des alliés pour nous protéger de plusieurs dangers. Par exemple, le microbe Janthinobacterium lividum aide à protéger les amphibiens du Bd. La peau des amphibiens produit des substances qui éloignent certains microbes et favorisent la croissance d’associés comme J. lividum, qui aiment ces substances riches en nutriments. En retour, J. lividum combat et élimine le Bd sur la peau des amphibiens et les empêche de tomber malade [4]. Pourrions-nous sauver les amphibiens en introduisant plus d’associés comme ceux-ci ? Peut-être ! De nombreux scientifiques essaient actuellement de comprendre ces phénomènes en étudiant les batailles entre super héros et méchants et le rôle important que jouent les microbes associés. Leurs connaissances sur les symbioses pourraient aider à garder les plantes et les animaux (nous y compris !) en bonne santé.

Contributions à la version française

TRADUCTEUR : Jean Marie Clément (Association Jeunes Francophones et la Science, Montpellier, France)

ÉDITEUR : Catherine Braun-Breton (Association Jeunes Francophones et la Science, Montpellier, France)

MENTOR SCIENTIFIQUE : Maud Borensztein (IGMM, Montpellier, France)

JEUNE EXAMINATEUR : Hugo, 9 ans. Hugo est en CM1 et adore l’escrime, les mangas et jouer avec ses copains. Plus tard, il veut être inventeur.

Glossaire

Symbiose: Relation étroite et à long terme entre deux ou plusieurs organismes. Remarque : pour certains scientifiques francophones, la symbiose est aussi une relation bénéfique pour au moins un des organismes.

Mutualisme: Type de symbiose dans lequel les deux organismes bénéficient de leur interaction.

Commensalisme: Type de symbiose dans lequel un organisme est bénéficiaire, mais l’autre n’est pas affecté par l’interaction.

Parasitisme: Type de symbiose dans lequel l’interaction entre les deux organismes nuit à l’un d’entre eux.

Microbe: Petit organisme vivant invisible à l’œil nu, tel qu’une bactérie ou certains champignons.

Luminescent: Qui émet de la lumière.

Amphibiens: Groupe d’animaux comprenant les grenouilles et les salamandres qui passent généralement une partie de leur vie dans l’eau et une partie sur terre.

Nutriment: Substance alimentaire qui n’a pas besoin d’être digérée pour être assimilée.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent que les travaux de recherche ont été menés en l’absence de toute relation commerciale ou financière pouvant être interprétée comme un potentiel conflit d’intérêts.


Références

[1] McFall-Ngai M., and Ruby E. 1991. Symbiont recognition and subsequent morphogenesis as early events in an animal-bacterial mutualism. Science 254:1491–4. doi: 10.1126/science.1962208

[2] Goel G., Puniya A. K., and Singh K. 2007. Phenotypic characterization of tannin–protein complex degrading bacteria from faeces of goat. Small Rumin. Res. 69:217–20. doi: 10.1016/j.smallrumres.2005.12.015

[3] Rollins-Smith L. A., Ramsey J. P., Pask J. D., Reinert L. K., and Woodhams D. C. 2011. Amphibian immune defenses against chytridiomycosis : impacts of changing environments. Integr. Comp. Biol. 51:552–62. doi: 10.1093/icb/icr095

[4] Becker M. H., Brucker R. M., Schwantes C. R., Harris R. N., and Minbiole K. P. C. 2009. The bacterially produced metabolite violacein is associated with survival of amphibians infected with a lethal fungus. Appl. Environ. Microbiol. 75:6635–8. doi: 10.1128/AEM.01294-09