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Concept de base Santé humaine Publié le 4 octobre 2023

Pouvions-nous prédire l’efficacité des vaccins COVID-19 ?

Résumé

La pandémie de coronavirus a complètement bouleversé notre quotidien, modifiant nos perspectives et nos comportements dans tous les aspects de notre vie. Nous avons dû adapter les réunions de famille, l’école, le travail et les interactions avec nos amis et nos proches. De nouveaux concepts tels que les réunions Zoom, la distanciation sociale, les masques, les tests PCR, la quarantaine et les fermetures sont devenus la norme. Au début de la pandémie, nous pensions avec optimisme qu’une fois le vaccin disponible, la pandémie serait maitrisée et que la menace du COVID-19 s’estomperait progressivement. En l’espace d’un an, un nouveau vaccin a été disponible, mais nous ne sommes pas encore sortis d’affaire. Dans cet article, nous expliquons comment les nouveaux vaccins à ARNm contre le COVID-19 ont contribué à contrôler la pandémie et quels sont les défis auxquels nous sommes encore confrontés.

L’émergence du COVID-19 en décembre 2019 a pris le monde entier par surprise, se propageant rapidement sur toute la terre et affectant des millions de personnes. La communauté scientifique et l’industrie pharmaceutique se sont trouvées confrontées à un défi formidable : produire un vaccin efficace qui permettrait d’enrayer la propagation sans précédent du coronavirus SRAS-CoV-2 et de la maladie qu’il provoque, le COVID-19. Fait remarquable, un an seulement après le début de la pandémie, un vaccin a été conçu, fabriqué, testé, approuvé et utilisé dans le monde entier. Ce vaccin est extrêmement bénéfique, car il permet d’éviter les hospitalisations, les maladies graves et les décès liés au COVID-19 [1]. Cependant, les personnes vaccinées, même après des rappels répétés, peuvent toujours être infectées par le virus et le transmettre à d’autres personnes. Et, malgré les milliards de doses de vaccin administrées dans le cadre de campagnes de vaccination massives à l’échelle mondiale, nous n’avons pas obtenu la protection durable contre le SRAS-CoV-2 que nous espérions. Avant de nous pencher sur les raisons de cette situation, nous devons d’abord comprendre ce que sont les vaccins et comment ils fonctionnent.

Les vaccins : camp d’entraînement pour le système immunitaire

Tous les vaccins contiennent un ingrédient actif, l’immunogène vaccinal, qui stimule le système immunitaire. Par le passé, les vaccins contre les virus étaient constitués de l’un des trois types d’immunogènes : des virus inactivés (tués) ; des virus atténués, encore capables de se multiplier mais pas de provoquer la maladie due au virus d’origine ; des « morceaux » d’une protéine de surface d’un virus, comme la protéine Spike, qui l’aide à adhérer aux cellules et à les infecter (Figure 1). Lorsque certaines cellules de notre système immunitaire, appelées « cellules B », rencontrent l’immunogène du vaccin, elles réagissent en produisant des anticorps spécifiques du virus ; ces anticorps adhèrent au virus et l’inactivent (Figure 2). Une population de cellules B à longue durée de vie, appelées « cellules B mémoires », se maintient dans l’organisme. Si nous rencontrons le même virus à l’avenir, ces cellules B mémoires sont rapidement activées et inondent l’organisme d’anticorps spécifiques du virus. Les anticorps se fixent sur les virus envahisseurs, empêchent l’infection et nous protègent contre la maladie. C’est ainsi que le système immunitaire « s’entraîne » avec des immunogènes viraux inoffensifs contenus dans le vaccin et apprend à empêcher et à combattre l’infection par le virus réel.

Figure 1 - (A) Le virus SRAS-CoV-2 contient un génome d’ARN et est orné de protéines Spike (ce mot anglais signifie « pic »).
  • Figure 1 - (A) Le virus SRAS-CoV-2 contient un génome d’ARN et est orné de protéines Spike (ce mot anglais signifie « pic »).
  • (B) Les protéines Spike peuvent se lier à une molécule de la cellule cible (la cellule à infecter) appelée « récepteur », ce qui accroche le virus à la cellule cible et conduit à l’infection. (Figure adaptée de https://www.youtube.com/watch?v=wchaaU0wMcQ).
Figure 2 - (A) Lorsqu’un virus rencontre une cellule B, celle-ci réagit en produisant des anticorps (les petites structures en forme de Y) spécifiques de l’immunogène.
  • Figure 2 - (A) Lorsqu’un virus rencontre une cellule B, celle-ci réagit en produisant des anticorps (les petites structures en forme de Y) spécifiques de l’immunogène.
  • (B) Ces anticorps se lient aux protéines Spike à la surface du virus, qui par conséquent ne peut plus adhérer à son récepteur à la surface de la cellule cible et infecter cette cellule. (Figure adaptée de https://www.youtube.com/watch?v=wchaaU0wMcQ).

Les vaccins ont une efficacité impressionnante. La plupart d’entre nous ont reçu des vaccins infantiles qui nous confèrent une immunité à vie. Par exemple, à l’âge de 12 mois, nous recevons le triple vaccin ROR, qui nous protège contre la rougeole, les oreillons et la rubéole pendant des années ! Beaucoup d’entre nous s’attendaient à ce que le vaccin COVID-19 soit tout aussi efficace, qu’il confère une immunité durable contre le coronavirus SRAS-CoV-2 et que la vie reprenne rapidement son cours normal. Cela n’a pas été le cas.

Le vaccin COVID-19 est révolutionnaire. Il ne contient pas l’un des immunogènes traditionnels, mais l’ARN messager (ARNm), c’est-à-dire les « instructions » pour la production de la protéine Spike. Certains affirment que cette nouvelle technologie de l’ARNm pourrait expliquer la protection limitée contre l’infection par le SRAS-CoV-2. Est-ce vrai ?

Le vaccin COVID-19, une révolution

Si l’on considère que les vaccins traditionnels contiennent les composants du virus – les protéines virales elles-mêmes – on peut considérer que le vaccin ARNm contre le SRAS-CoV-2 contient le « logiciel » viral, qui transmet le message indiquant aux cellules comment fabriquer la protéine Spike [2]. L’idée est que, lorsque l’ARNm codant pour la protéine Spike est injecté dans le muscle, il est internalisé par des cellules spéciales du système immunitaire qui se mettent à produire de la protéine Spike qui peut alors stimuler la production d’anticorps par les cellules B.

Deux questions se posent au sujet des vaccins à ARNm. Premièrement, l’ARNm est-il dangereux ? Deuxièmement, les vaccins à ARNm sont-ils moins efficaces que les vaccins traditionnels ? Certaines personnes ont affirmé que l’injection d’ARNm pouvait présenter un risque et provoquer des effets secondaires néfastes même des années plus tard. La vaccination des enfants existe depuis des décennies et a sauvé la vie de milliards d’enfants dans le monde. Quatorze vaccins sont classiquement proposés pour la vaccination des enfants dans la plupart des pays du monde. Sept de ces vaccins contiennent des virus vivants atténués (qui ont subi des traitements chimiques ou physiques qui les ont rendus inoffensifs), dont le génome (l’information génétique du virus) est sous forme d’ARN : les vaccins contre la poliomyélite, la grippe, l’hépatite A, la gastroentérite aigüe, la rubéole, la rougeole et les oreillons. Ces virus se reproduisent dans notre corps pendant quelques semaines, sans effets néfastes ni conséquences négatives à long terme. D’après ces informations, l’injection de minuscules quantités d’ARNm viral dans le muscle ne devrait pas présenter de danger.

En ce qui concerne la deuxième question, nous nous attendons généralement à ce qu’un bon vaccin nous protège efficacement contre l’infection pendant des années. Les vaccins COVID-19 à ARNm induisent effectivement la production d’anticorps qui inactivent le SRAS-CoV-2 et nous protègent des formes graves et potentiellement mortelles du COVID-19 [1]. Cependant, les anticorps diminuent dans les mois qui suivent la vaccination et il est très fréquent que des personnes vaccinées soient à nouveau infectées par le virus. En fait, les personnes vaccinées peuvent être infectées, guérir, puis être infectées de nouveau ! Est-ce parce que le vaccin n’est pas assez puissant ? Probablement pas. Des centaines de millions de personnes dans le monde ont été infectées par le SRAS-CoV-2 et plus de 98 % d’entre elles ont guéri. Cependant, un épisode de COVID-19 n’assure pas une protection durable contre le SRAS-CoV-2. Bien qu’elles aient été infectées naturellement, des millions de personnes qui ont guéri présentent des infections multiples et récurrentes. Cela nous indique que les infections multiples par le SRAS-CoV-2 ne sont pas dues à une efficacité insuffisante du vaccin. Il s’agit apparemment d’une caractéristique fondamentale des coronavirus.

Leçons tirées des coronavirus animaux

Dans les années 1930, on a découvert un coronavirus appelé « virus de la bronchite infectieuse » qui infectait les poules. D’autres coronavirus ont été découverts par la suite chez des chats, des chiens, des vaches et des cochons [3]. Généralement, les animaux sont infectés puis guérissent et peuvent être infectés à nouveau ! Des vaccins vétérinaires ont été mis au point contre ces virus pour protéger le bétail et les animaux de compagnie. Ils semblent tous fonctionner de la même façon : ils protègent les animaux des formes graves de la maladie mais n’empêchent pas qu’ils soient infectés à plusieurs reprises [3]. Ça te rappelle quelque chose ? Peut-être qu’on aurait dû s’attendre à une situation similaire avec le vaccin humain !

Contrairement aux virus de la rougeole, la poliomyélite ou la variole, pour lesquels il existe des vaccins efficaces et durables, les coronavirus ne permettent tout simplement pas de produire des vaccins ayant les effets auxquels on s’attend d’habitude. Il existe de nombreuses familles de virus, chacune ayant ses propres caractéristiques biologiques. Certains virus semblent activer le système immunitaire d’une manière qui nous protège de la réinfection à long terme (que ce soit par infection naturelle ou par vaccination), mais d’autres ne le font pas. Par exemple, la variole a été éradiquée grâce à des campagnes de vaccination mondiales. Par contre, il existe des virus pour lesquels la vaccination est un échec : il n’existe par exemple pas de vaccin efficace contre le VIH, le virus responsable du SIDA.

Quel verdict pour la vaccination contre le COVID-19 ?

Il faut garder à l’esprit que le SRAS-CoV-2 appartient à une famille particulière de virus, celle des coronavirus. Comme on a pu l’observer chez plusieurs organismes, les coronavirus n’induisent apparemment pas d’immunité efficace et durable lorsqu’ils infectent leurs hôtes. Le même schéma semble se répéter pour les animaux de compagnie, le bétail et les personnes qui guérissent d’une infection à coronavirus : ils ne développent pas une immunité durable contre cette infection. La vaccination contre les coronavirus procure une protection contre les formes graves des maladies qu’ils provoquent mais ne met pas en place une protection efficace et de longue durée contre l’infection. C’est donc une caractéristique des coronavirus. Et oui, on pouvait prédire ce qui allait se passer avec la vaccination COVID-19 : elle ne nous protégerait pas à vie de cette infection.

Nos connaissances sur les coronavirus devraient mieux nous préparer à lutter contre les futurs virus de cette famille qui pourraient infecter les humains (on les appelle des virus émergents). Si la pandémie de COVID-19 a donné lieu à des avancées technologiques étonnantes, notamment à la mise au point de vaccins révolutionnaires à ARNm, nous devons admettre que la biologie de la famille des coronavirus présente encore des défis. Comment pouvons-nous être plus intelligents que les coronavirus afin d’être mieux préparés aux futures pandémies ? Peut-être que ta génération de scientifiques contribuera à répondre à cette question importante !

Contributions à la version française

TRADUCTEUR : Catherine Braun-Breton (Association Jeunes Francophones et la Science, Montpellier, France)

ÉDITEUR : Nicole Pasteur (Association Jeunes Francophones et la Science, Montpellier, France)

MENTOR SCIENTIFIQUE : Ula Hibner (Association Jeunes Francophones et la Science, Montpellier, France)

JEUNE EXAMINATEUR : Claire, 14 ans. Bonjour ! Je m’appelle Claire et j’ai quatorze ans. Je suis franco-américaine et je vis en Virginie aux Etats-Unis. J’aime les sciences, la danse, le piano et le violoncelle.

Glossaire

SRAS-CoV-2: Virus de la famille des coronavirus responsable d’un syndrome respiratoire aigu sévère, le COVID-19.

Pandémie: Maladie infectieuse qui se propage au monde entier et touche un grand nombre de personnes.

Vaccin: Un vaccin présente au système immunitaire un agent infectieux devenu inoffensif ou un constituant d’un agent infectieux ; il entraîne le système immunitaire à reconnaître l’agent infectieux et à l’éliminer.

Immunogène: Substance capable d’activer le système immunitaire. Les protéines étrangères à l’organisme provenant d’une bactérie ou d’un virus sont des immunogènes répandus.

Protéine spike: Protéine de surface du virus SRAS-CoV-2 qui se lie à un récepteur à la surface d’une cellule cible et permet ainsi au virus d’infecter la cellule.

Cellule B: Des cellules du système immunitaire (aussi appelées « lymphocytes B) qui répondent aux immunogènes par la production d’anticorps.

Anticorps: Protéines produites par les cellules B de notre système immunitaire, qui reconnaissent une cible spécifique (bactérie, virus, cellule cancéreuse, substance étrangère…), la neutralisent et aident à son élimination.

ARN messager (ARNm): Type d’ARN (acide ribonucléique) qui transmet le message porté par un gène de l’ADN correspondant à la séquence d’une protéine particulière.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent que les travaux de recherche ont été menés en l’absence de toute relation commerciale ou financière pouvant être interprétée comme un potentiel conflit d’intérêts.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier leurs anciens professeurs qui ont profondément influencé leur vie et leur carrière : Ofra Graph, Ron Kessler, Itsik Ohad et George Palade.


Références

[1] Haas, E. J., McLaughlin, J. M., Khan, F., Angulo, F. J., Anis, E., Lipsitch, M., et al. 2022. Infections, hospitalisations, and deaths averted via a nationwide vaccination campaign using the Pfizer-BioNTech BNT162b2 mRNA COVID-19 vaccine in Israel: a retrospective surveillance study. Lancet Infect. Dis. 22:357–66. doi: 10.1016/S1473-3099(21)00566-1

[2] Weissman, D. 2022. Messenger RNA therapies finally arrived. Sci. Am. 326:54.

[3] Sariol, A., and Perlman, S. 2020. Lessons for COVID-19 immunity from other coronavirus infections. Immunity. 53:248–63. doi: 10.1016/j.immuni.2020.07.005