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Concept de base Santé humaine Publié le 28 décembre 2023

Comment les technologies d’imagerie peuvent aider à réduire le nombre d’animaux de laboratoire

Résumé

Même lorsqu’il n’existe pas d’alternatives pour réaliser des expériences scientifiques, l’utilisation d’animaux de laboratoire reste une décision difficile. Afin de promouvoir une recherche plus éthique sur les animaux, les scientifiques doivent suivre la règle des 3R, qui comprends trois principes. Réduire au minimum le nombre d’animaux utilisés est l’un de ces principes et consiste à obtenir les mêmes informations à partir d’un plus petit nombre d’animaux ou plus d’informations à partir d’un même nombre d’animaux. Les technologies d’imagerie permettent aux scientifiques de voir à l’intérieur des corps d’animaux vivants et d’étudier leurs organes, et ainsi de continuer à étudier les maladies et les réponses aux traitements sans tuer les animaux ou leur faire de mal. Les mêmes animaux peuvent être analysés plusieurs fois lors d’études de longue durée, ce qui permet de protéger leur bien-être en réduisant le nombre d’animaux utilisés dans la recherche.

Grâce au Centre de compétence suisse 3R (3RCC), cet article est également disponible en anglais, allemand et italien

La recherche est nécessaire

Notre monde est toujours confronté à des maladies dévastatrices, comme l’illustrent si bien les urgences sanitaires survenues lors de la pandémie de Covid-19. Il est très important de comprendre comment le corps des humains et des animaux fonctionnent, car cela aide les scientifiques à fabriquer de nouveaux traitements pour les maladies animales et humaines. L’utilisation d’animaux dans la recherche a permis des percées médicales majeures, comme la découverte de vaccins et d’antibiotiques capables de prévenir et de traiter des infections dangereuses. L’utilisation d’animaux dans la recherche a également fait progresser notre compréhension de la génétique et notre connaissance sur la régénération des cellules de l’organisme [1].1

Cependant, les animaux sont des êtres vivants qui ressentent la douleur et la détresse. Leur utilisation pour la recherche doit donc toujours être indispensable et éthiquement justifiable. La plupart des lois nationales et internationales protègent la santé des animaux de laboratoire, à la fois pour assurer le bien-être des animaux et de garantir la qualité de la recherche scientifique. Il y a plus de 60 ans, deux biologistes anglais, William Russell et Rex Burch, ont mis en place la règle des 3R afin de rendre la recherche sur les animaux plus humaine [2]. La règle des 3R vise à remplacer la recherche animale par des méthodes alternatives lorsque cela est possible, à réduire le nombre d’animaux utilisés et à raffiner les méthodes expérimentales ainsi qu’à améliorer les conditions de vie des animaux de laboratoire pour réduire leur souffrance.

Pourquoi utilisons-nous encore des animaux dans la recherche ?

Malgré les progrès importants réalisés dans l’utilisation d’alternatives non animales (par exemple, l’utilisation d’échantillons humains ou de modèles informatiques), certaines études sur les animaux sont inévitables, par exemple quand on étudie une maladie ou teste de nouveaux médicaments. Il n’est pas éthiquement possible de tester de nouveaux médicaments sur des êtres humains et, jusqu’à présent, on n’a pas réussi à reproduire la complexité d’un corps vivant et de l’interactions de ses différentes parties (par exemple, la manière dont le cerveau contrôle les battements du cœur et la circulation du sang). Les chercheurs ont la responsabilité juridique et éthique de s’assurer que les traitements qu’ils évaluent soient sans danger pour les humains ou les animaux pour lesquels ces traitements sont conçus. Nous avons toujours besoin de meilleurs médicaments et de vaccins pour traiter des maladies dangereuses comme le cancer et les troubles cérébraux ou pour lutter contre les pandémies comme le Covid-19.

Les souris sont les animaux les plus utilisés dans la recherche. Bien que beaucoup plus petites que les humains, les souris partagent 95% de leurs gènes avec les humains. La façon dont leur corps fonctionne et réagit aux médicaments est souvent très similaire au corps humain, les utiliser peut donc être très instructif pour comprendre une maladie et les manières potentielles de la traiter. Les scientifiques utilisent de plus en plus souvent des poissons, des mouches ou des vers pour leurs études, mais l’anatomie de ces animaux et le fonctionnement de leurs organismes sont très différents des humains, ce qui limite ce que ces expériences peuvent nous apprendre.

Pourquoi faut-il reduire le nombre d’animaux de laboratoire ?

La règle des 3R guide toutes les recherches utilisant des animaux. Elle vise à promouvoir le bien-être animal et à garantir la rigueur scientifique. Plus les scientifiques favorisent l’examen des patients et les approches alternatives pour comprendre les maladies humaines, plus il sera facile de remplacer l’utilisation d’animaux. Cependant, dans certains cas, par exemple quand il s’agit de tester la sécurité de nouveaux médicaments contre des maladies complexes comme le cancer ou les troubles cérébraux, les scientifiques devront probablement encore utiliser des animaux. Quand l’utilisation d’animaux est indispensable, les scientifiques doivent réduire le nombre d’animaux utilisés et d’éviter de leur causer de la souffrance, ou du moins en causer le moins possible.

Réduire consiste à utiliser le plus petit nombre d’animaux possible et vise à obtenir les mêmes informations à partir d’un plus petit nombre d’animaux ou plus d’informations à partir d’un même nombre d’animaux. Lorsqu’ils planifient une étude pour tester un nouveau médicament, les scientifiques devraient prévoir le nombre d’animaux nécessaire. Ce nombre comprend les animaux qui seront utilisés pour tester le nouveau médicament et un groupe d’animaux qui auront les mêmes conditions de vie mais qui ne recevront pas le médicament, appelé « groupe témoin ». Les scientifiques doivent aussi prévoir combien de fois les animaux seront testés ou examinés. Par exemple, si les animaux reçoivent un médicament qui modifie la manière dont fonctionne leur cœur, il faudra contrôler leur fréquence cardiaque toutes les heures, jours ou semaines pour étudier les effets du médicament.

Mais le scientifique pourrait également avoir besoin d’examiner le cœur directement, ce qui ne peut être fait qu’après que l’animal a été tué de la manière qui lui cause le moins de souffrances possible. Ainsi, si les scientifiques devaient examiner le cœur à plusieurs étapes du traitement, cela entraînerait la mort de nombreux animaux. Pour éviter cela, il serait idéal de visualiser les tissus et les organes internes d’un animal vivant, sans lui causer de mal. La visualisation des structures internes d’un animal vivant permettrait aux scientifiques d’étudier comment les tissus de l’animal sont affectés par une maladie et si les lésions s’améliorent avec de nouveaux médicaments. C’est précisément à ça que sert l’imagerie. Cette technologie permet aux scientifiques de regarder à l’intérieur du corps d’un animal vivant, sans le nuire, pour étudier ses organes et les fonctions de son organisme (Figure 1).

Figure 1 - Pendant l’imagerie, l’animal est anesthésié pour qu’il ne bouge pas et ne ressente pas de détresse.
  • Figure 1 - Pendant l’imagerie, l’animal est anesthésié pour qu’il ne bouge pas et ne ressente pas de détresse.
  • Les technologies d’imagerie permettent de regarder directement à l’intérieur du corps de l’animal, par exemple en examinant son squelette ou ses organes internes comme le cœur, sans causer de dommages. Une fois que l’animal a été visualisé, il est étroitement surveillé pendant qu’il récupère de l’anesthésie, puis est remis dans son logement avec les autres animaux. La plupart des séances d’imagerie durent entre 15 et 30 minutes et les animaux se rétablissent bien après une courte anesthésie. Pour voir les figures en français, télécharge la version PDF de cet article.

L’imagerie pour réduire l’utilisation d’animaux de laboratoire

Les technologies d’imagerie non nocives, comme les rayons X ou les ultrasons, permettent aux scientifiques de visualiser le squelette d’animaux vivants, de voir leur cœur battre ou d’observer l’activité de leur cerveau. Ainsi, ces technologies aident les scientifiques à étudier comment le corps des animaux est affecté par les maladies et comment il réagit aux traitements en temps réel, sans avoir besoin de leur faire de mal ou de les tuer [3].

L’imagerie est largement utilisée dans la recherche sur les animaux, en employant des équipements similaires à ceux utilisés pour les humains et adaptés à la petite taille des souris, des rats ou des poissons. Contrairement aux humains, les animaux sont généralement placés sous anesthésie, qui permet de les endormir et d’éviter qu’ils ne bougent ou paniquent quand ils sont mis dans un environnement inconnu pour être examinés. L’imagerie permet aux scientifiques d’examiner la taille et la forme des organes d’un animal, de détecter la croissance d’une tumeur ou une fracture osseuse, par exemple. Cette technologie permet d’étudier le fonctionnement des organes, par exemple les battements du cœur ou la circulation du sang dans les vaisseaux pour transporter l’oxygène dans tout le corps. Les scientifiques peuvent également voir comment les cellules et les tissus d’un animal réagissent à une inflammation ou à une lésion en mesurant la quantité d’oxygène ou d’énergie que ces cellules ou ces tissus utilisent.

Disposer d’une image de la structure et de la fonction des organes internes aide les scientifiques à obtenir des informations plus détaillées à partir d’un seul animal, ce qui améliore la qualité de leurs études. L’imagerie aide également les scientifiques à comprendre le corps des animaux et à détecter tout signe d’inconfort afin qu’ils puissent agir rapidement pour fournir aux animaux des soins de meilleure qualité. Cela contribue à améliorer leur bien-être (Figure 2).

Figure 2 - L’imagerie permet de voir comment les organes internes changent à mesure que les animaux grandissent ou lorsqu’ils sont traités avec un médicament.
  • Figure 2 - L’imagerie permet de voir comment les organes internes changent à mesure que les animaux grandissent ou lorsqu’ils sont traités avec un médicament.
  • Par exemple, si la température du corps d’un animal est élevée, ça peut provoquer une inflammation dans son cerveau. Les scientifiques peuvent utiliser l’imagerie pour déterminer si cette inflammation peut être traitée avec des médicaments. Visualiser un animal vivant permet de collecter beaucoup d’informations, ce qui permet de réduire le nombre d’animaux utilisés pour la recherche. Pour voir les figures en français, télécharge la version PDF de cet article.

Comment l’imagerie fonctionne

Il existe plusieurs techniques d’imagerie couramment utilisées pour les animaux de laboratoire (Figure 3) [3, 4].

Figure 3 - Les animaux sont observés à l’aide de technologies semblables à celles utilisées chez les humains.
  • Figure 3 - Les animaux sont observés à l’aide de technologies semblables à celles utilisées chez les humains.
  • Des techniques physiques et chimiques non nuisibles, telles que les rayons X, les ultrasons (échocardiogrammes) ou la détection de cellules qui peuvent émettre de la lumière sont entre autres utilisées pour examiner le squelette, la croissance de cellules ou les déplacements du sang à travers le cœur. Pouvoir visionner en temps réel la structure et le fonctionnement de cellules et de tissus est très important pour l’étude de maladies et pour la recherche de traitements efficaces, sans blesser ou tuer d’animaux. Pour voir les figures en français, télécharge la version PDF de cet article.

L’une des méthodes les plus utilisées est la tomodensitométrie, qui produit des images à rayons X en trois dimensions (3D) de tissus solides comme les os, permettant aux scientifiques d’étudier leur structure. Cette méthode est très utile pour étudier les fractures osseuses ou les modifications du squelette.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) cartographie les molécules d’eau dans les tissus pour créer des images des organes internes mous tels que le cœur, le cerveau, le foie ou les intestins. Cette technique est le plus souvent utilisée pour analyser le système nerveux, en particulier le cerveau et la moelle épinière.

L’imagerie nucléaire détecte le rayonnement émis par de petites molécules radioactives injectées dans le corps – des traceurs – pour analyser la fonction des organes internes. En général, ces traceurs sont des molécules chimiquement similaires au glucose, qui est la principale source d’énergie pour le corps. On peut visualiser la rapidité avec laquelle ces traceurs sont ensuite absorbés par les cellules cancéreuses ou les cellules inflammatoires à l’intérieur du corps de l’animal. Cela permet aux scientifiques de savoir où se trouvent les cellules malades.

L’imagerie optique utilise la lumière pour détecter des cellules capables d’émettre de la lumière dans le corps d’animaux. Cette technique est fondée sur la capacité d’organismes tels que les lucioles à produire de la lumière dans leurs abdomens grâce à une réaction chimique contrôlée. En utilisant la même réaction chimique, les cellules animales peuvent être modifiées pour émettre une lumière visible, ce qui permet aux scientifiques de savoir où elles se trouvent à l’intérieur du corps de l’animal. La détection de ces cellules luminescentes est utile pour étudier la croissance cellulaire et la consommation d’énergie, par exemple dans les cellules cancéreuses.

Les ultrasons utilisent des ondes sonores à haute fréquence produites par le mouvement des organes, comme les ondes sonores produites par le battement du cœur. Ces ondes sonores traversent le corps de l’animal, sont recueillies et transformées en une image animée. Cette technique d’imagerie est couramment utilisée pour étudier la fonction cardiaque.

Avant une étude par imagerie, les chercheurs doivent confirmer le nombre total de fois qu’un animal sera visualisé et anesthésié. Seul un nombre limité de séances d’imagerie par animal est autorisé (généralement une à trois séances), et les chercheurs doivent veiller à la santé et au bien-être des animaux pendant toute l’étude.

Conclusions

L’imagerie a considérablement amélioré les études sur les animaux, permettant aux scientifiques de surveiller la progression de maladies en temps réel et d’étudier les réponses des animaux aux médicaments [4] sans leur causer de mal. Elle a permis d’obtenir des informations détaillées sur l’anatomie et les fonctions du corps des animaux et d’accéder à leurs organes internes sans les tuer. Il s’agit d’une étape importante pour la réduction du nombre d’animaux utilisés dans la recherche. L’imagerie aide surtout les scientifiques à mieux comprendre les fonctions du corps d’un animal et la manière dont elles peuvent être affectées par des procédures expérimentales. Elle leur permet de détecter des signes précoces de maladie ou de souffrance qui pourraient causer une détresse supplémentaire. L’identification précoce de ces effets permet aux scientifiques de prendre des mesures immédiates pour améliorer les soins et le bien-être des animaux et pour prévenir ou réduire leur souffrance (par exemple, en leur donnant des analgésiques ou des aliments plus nutritifs). Dans l’ensemble, l’imagerie contribue directement au bien-être des animaux et améliore la recherche scientifique en réduisant le nombre d’animaux de laboratoire utilisés, un élément clé de la règle des 3R.

Glossaire

Règle des 3R: Principes scientifiques qui visent à remplacer, réduire et raffiner le recours aux expériences sur les animaux, afin d’assurer un traitement humain des animaux de laboratoire.

Réduire: L’un des principes des 3R, qui favorise l’utilisation du plus petit nombre d’animaux possible, tout en obtenant des informations de recherche précieuses.

Imagerie: Création d’images de l’intérieur d’un corps vivant pour des analyses. Il s’agit notamment de techniques telles que les rayons X et les ultrasons.

Anesthésie: Procédé qui consiste à utiliser des médicaments pour s’assurer que l’animal est inconscient et ne souffre pas pendant une procédure d’imagerie.

Échocardiogramme: Technique d’imagerie de la fonction d’organes, par exemple du cœur, qui utilise des ultrasons.

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent que la recherche a été menée en l’absence de toute relation commerciale ou financière qui pourrait être interprétée comme un conflit d’intérêts potentiel.

Note de bas de page

1. https://www.animalresearch.info/en/medical-advances/medical-discovery-timeline/


Références

[1] National Research Council (US) and Institute of Medicine (US) Committee on the Use of Laboratory Animals in Biomedical and Behavioral Research. 1988. Use of Laboratory Animals in Biomedical and Behavioral Research. Benefits Derived from the Use of Animals. (Washington, DC: National Academies Press). p. 3. Available online at: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK218274/ (accessed September 12, 2022).

[2] Russell, W., and Burch R. 1959. The Principles of Humane Experimental Technique. Wheathampstead: Universities Federation for Animal Welfare.

[3] Tremoleda, J. L., and Sosabowski, J. 2015. Imaging technologies and basic considerations for welfare of laboratory rodents. Lab. Anim. 44:97–105. doi: 10.1038/laban.665

[4] Lauber, D. T., Fülöp, A., Kovács, T., Szigeti, K., Máthé, D., Szijártó, A. 2017. State of the art in vivo imaging techniques for laboratory animals. Lab Anim. 51:465–478. doi: 10.1177/0023677217695852